Colère grandissante des agriculteurs en Espagne
À l’initiative des trois principaux syndicats agricoles – Coag, Upa et Asaja – ainsi que du syndicat indépendant SOS Rural, des milliers d’agriculteurs ont paralysé ce vendredi 9 février, de nombreuses routes espagnoles en guise de protestation contre la politique agricole européenne.
Leurs revendications sont largement similaires à celles de leurs homologues allemands, français ou belges. Ils appellent notamment l’arrêt des négociations avec le Mercosur tout en exigeant une compensation financière de l’État pour pallier leurs pertes de revenus.
Les agriculteurs affirment que les règles contraignantes imposées aux agriculteurs de l’Union Européenne pour protéger l’environnement les rendent moins compétitifs que leurs homologues d’autres régions, telles que l’Amérique latine ou l’Europe hors l’UE.
Ils se plaignent également des mesures bureaucratiques de plus en plus incompréhensibles qui leur sont imposées.
Ce vendredi 10 février, des milliers d’agriculteurs ont bloqué des routes et des infrastructures dans plusieurs régions de l’Espagne afin de protester contre la politique agricole européenne et dénoncer la précarité régnant dans le secteur.
Des agriculteurs ont manifesté dans les zones agricoles de l’intérieur nord de l’Espagne, conduisant des tracteurs en convois, klaxonnant, agitant des drapeaux espagnols et brandissant des pancartes.
Ils ont également protesté dans la région nord-est de la Catalogne, la région sud de l’Andalousie et l’Extremadura à l’ouest. En Catalogne, des agriculteurs sont entrés à bord de tracteurs en plein centre-ville de Barcelone, la ville touristique de la province.
« Les coûts liés à la production de blé et d’orge sont très élevés », a déclaré au Jeune Indépendant, Esteban un agriculteur céréalier qui manifestait à Aranda de Duero. « Il faut payer pour les engrais, les pesticides, le carburant – cela nous tue. Nous devons payer des prix très élevés et pourtant nous vendons à bas prix », a-t-il souligné.
Les agriculteurs français ont accusé les producteurs espagnols de pratiquer le dumping en ne respectant pas pleinement les règles de l’UE. Récemment, l’ancienne ministre française Ségolène Royal a déclenché une controverse en remettant en question l’authenticité des tomates biologiques espagnoles. Face à une réaction vive de l’industrie alimentaire et agricole espagnole, le Premier ministre Pedro Sánchez a gentiment invité Mme Royal à essayer une tomate espagnole.
Les trois syndicats du secteur agricole espagnol, pointant du doigt une politique européenne jugée trop complexe, des normes contraignantes et une concurrence étrangère perçue comme déloyale, tels que son voisin du sud, le Maroc, qu’il affirme ne pas être soumis aux mêmes réglementations environnementales et sanitaires que les producteurs européens, ce qui lui permet de vendre des produits moins chers.
« Nous devons nous soumettre à de nombreux contrôles, à de nombreuses réglementations sanitaires auxquelles les produits [des pays non membres de l’UE] ne sont pas soumis », a déclaré Estrella Pérez, qui exploite des élevages et des cultures céréalières. « Nous voulons juste un avenir pour l’agriculture et pour l’instant, nous ne le voyons pas », a-t-il ajouté.
La situation difficile des agriculteurs espagnols a été aggravée par la sécheresse. De nombreuses régions du pays n’ont pas vu de niveaux normaux de pluie ces derniers mois, ce qui affecte les récoltes. L’Espagne est le plus grand producteur mondial d’huile d’olive, mais les prix ont été poussés à la hausse en raison d’une faible production.
La semaine dernière, la Catalogne a déclaré l’état d’urgence en raison d’une sécheresse de trois ans, la plus longue jamais enregistrée.
Le ministre de l’agriculture espagnol a reçu les syndicalistes du secteur et s’est engagé à « travailler » pour répondre aux revendications des paysans.
Cependant, cette réunion n’a pas réussi à apaiser la crise qui secoue depuis janvier plusieurs pays de l’Union européenne, notamment l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et la France.
« Le gouvernement comprend les préoccupations du secteur, nous prenons les choses en main », a assuré mardi à l’issue du conseil des ministres la porte-parole du gouvernement, Pilar Alegria, mettant en avant les efforts financiers réalisés pour aider les agriculteurs touchés par la sécheresse.
Selon Pilar Alegria, 140 000 agriculteurs vont bénéficier d’une aide de 270 millions d’euros débloqués par le gouvernement Sanchez.
La ministre de la Transition écologique, Teresa Ribera, a exprimé sa compréhension des « préoccupations » des agriculteurs confrontés à de lourdes « charges bureaucratiques ».
Elle a souligné la nécessité de moduler les objectifs européens de durabilité, connus sous le nom d’Europe verte, selon le rythme exigé par le secteur agricole. Elle a également dénoncé ce qu’elle a qualifié de « manipulation » de ces règles environnementales.
L’Espagne, souvent qualifiée de « potager de l’Europe », est le premier exportateur européen de fruits et légumes. Le secteur agricole espagnol est néanmoins en difficulté, en raison notamment de la rareté des pluies qui sévit depuis trois ans dans la péninsule ibérique.