Cohen : «Si l’Ukraine rejoint l’Otan, cela provoquera une guerre nucléaire !»
Stephen Cohen est l’un des meilleurs experts américains sur la Russie. Cohen est professeur émérite d’études et de politique russes à l’Université de New York et à l’Université de Princeton, et il est l’auteur de plusieurs livres sur la Russie et l’Union soviétique. Cohen explique que c’est principalement l’Occident qu’il faut blâmer pour la crise en Ukraine :
« La guerre dans l’est de l’Ukraine est quelque chose d’horrible, de tragique et de complètement inutile. D’après mon analyse, nous avons puissamment contribué à cette tragédie. Je dirais que les historiens, un jour, regarderont en arrière et ils concluront que l’Amérique a du sang sur les mains.
Trois mille personnes ont été tuées ; la plupart d’entre elles étaient des civils incapables de se déplacer rapidement. C’était des femmes avec de jeunes enfants, des femmes âgées. Un million de réfugiés. Je veux le dire, et c’est clair.
C’est on ne peut plus clair. Tout d’abord, du fait des règles propres à l’Otan, l’Ukraine ne peut pas adhérer à l’Otan, car c’est un pays qui ne contrôle pas son propre territoire. En l’occurrence, à chaque jour qui passe, Kiev contrôle de moins en moins son territoire.
Ils ont perdu la Crimée. Ils sont en train de perdre le Donbass – je viens de décrire comment – qui est en guerre. Un pays qui ne contrôle pas son propre territoire ne peut pas rejoindre l’Ukraine. Ce sont les règles. Je veux dire, l’Otan. Deuxièmement, il faut remplir certains critères économiques, politiques et militaires pour adhérer à l’Otan. L’Ukraine ne répond à aucun d’entre eux.
Troisièmement, et c’est le plus important, l’Ukraine est liée à la Russie, non seulement parce qu’elle constitue une zone de sécurité essentielle pour la Russie, mais parce qu’elle est liée à la Russie de façon conjugale, si l’on peut dire, par les mariages mixtes. Il y a des millions, voire des dizaines de millions de Russes et d’Ukrainiens mariés ensemble. Mettez l’Ukraine dans l’Otan, et vous allez dresser une barricade au milieu de millions de familles. La Russie va réagir militairement.
(…) Aujourd’hui, nous avons une nouvelle guerre froide, mais voici la différence : lors de la précédente guerre froide, la confrontation militaire était à Berlin, loin de la Russie. Désormais, s’ils vont de l’avant avec cette décision de l’Otan, la confrontation sera en plein sur les frontières de la Russie.
Celle-ci laissera alors tomber l’accord nucléaire historique que Reagan et Gorbatchev avaient signé en 1987 : l’abolition des missiles nucléaires à courte portée. C’était la première fois que le nucléaire, une catégorie d’armes nucléaires, avait à jamais été aboli. Où sont, d’ailleurs, les abolitionnistes du nucléaire, aujourd’hui ?
Quand Obama se vante, comme il l’a fait à deux reprises, de ce que nos armes conventionnelles sont largement supérieures à celles de la Russie, il ne fait que manger dans la gamelle qui lui est préparée par les faucons anti-russes, lesquels voudraient nous voir tenir prêtes nos propres armes nucléaires tactiques. »