Cadavres, talismans et plomb : La sorcellerie, un business démoniaque

Dans une maison retirée du centre-ville de Staouéli, à Alger, vivait Soltana, sexagénaire connue pour des pratiques de sorcellerie.
En franchissant la porte d’entrée, Meriem, une jeune célibataire âgée de 43 ans, a été surprise par le grand nombre de femmes, de tout âge, qui s’entassaient dans la salle d’attente. Venues des quatre coins du pays, elles espéraient trouver des solutions à leurs problèmes. Après plusieurs heures d’attente, Meriem est conviée à passer chez « El-Hadja », comme l’appelle son assistante.
« Des bougies éclairaient la grande pièce légèrement meublée. Des talismans, des pattes de crapaud et d’autres animaux étaient éparpillées sur la table, où des ingrédients utilisés par la sorcière étaient déposés, notamment du plomb, du poivre noir et des œufs », a confié Meriem au Jeune Indépendant.
C’est avec une voix tremblante que Meriem a commencé à raconter ses déboires. « J’ai eu plusieurs demandes en mariage, malheureusement, aucune n’a abouti. Je me sens très mal dans ma peau. Je m’isole tout le temps dans ma chambre. On me dit que je suis victime du mauvais œil et du shour », a-t-elle raconté avec amertume à Soltana.
Profitant de la vulnérabilité de la jeune Meriem, celle-ci lui a proposé une soi-disant « formule magique », lui conseillant de garder sur elle un talisman qui, selon elle, la protégera de tous.
« Soltana m’a demandé de mettre sous mon lit un morceau de plomb durant toute la nuit, puis de le mettre dans une casserole sur le feu, et de répéter l’opération à plusieurs reprises », a confié Meriem au Jeune Indépendant. Pour cette « consultation », Meriem a dû débourser 10 000 DA.
Il y a tellement de maux et de fléaux sociaux dans notre société qu’ils donnent naissance à des pratiques qu’on croyait révolues. Mais c’est une amère réalité, les hommes et les femmes ont de plus en plus recours à la sorcellerie.
L’ignorance, l’obsession d’atteindre un objectif fixé favorisent la prolifération de toutes sortes de pratiques ésotériques étrangères à notre société, qui visent à leurrer la possibilité d’un destin malheureux ou se débarrasser d’un mal persistant.
Les personnes qui s’adonnent à la sorcellerie se retrouvent prisonnières de la superstition. Une pratique qui ne prévoit aucunement tout bon sens, encore moins la religion musulmane. Ces imposteurs s’autoproclament « guérisseurs légaux » de la malchance et du mauvais œil. Ces charlatans et soi-disant voyants ont carrément des locaux, où ils exercent leur profession libérale, au vu et au su de tout le monde.
Une « guezana » qui chasse le mauvais œil
Ahlem, une femme mariée désespérée, a souligné : « On m’a montré une vieille sorcière appelée Zhor à Bab El-Oued, à Alger. Avant de partir chez elle, je devais mettre des œufs sous mon lit durant toute la nuit et les lui rapporter le lendemain. Je me suis exécutée. La pièce était pleine à craquer de femmes, toutes voilées. On se demande si c’est leur tenue habituelle ou une façon de passer inaperçue sachant que le domicile de la sorcière se situe dans un quartier très fréquenté. J’ai suffoqué à cause de l’odeur fétide du bkhour.
La vieille était vêtue d’une robe usée, un foulard qui lui cachait presque totalement le visage. Au moment où j’allais lui parler de mon histoire, elle m’a dit que mon couple battait de l’aile et que mon mari était ensorcelé. Elle m’a demandé de lui remettre les œufs. Elle les a cassés devant moi et à ma grande stupéfaction, j’ai trouvé des cheveux noirs dans les œufs. Elle m’a alors dit : ‘’Voici la réponse à tes soucis’’. »
La femme est sortie en pleurs, en voyant que l’avenir de son foyer était en danger. Elle a confié au Jeune Indépendant qu’elle avait continué à aller voir la vieille sorcière jusqu’à ce que les œufs deviennent purs et sains, comme si la vieille sorcière avait jeté un sort sur le couple et guéri son mari.
La sorcellerie se nourrit de la détresse des personnes
« La sorcellerie est utilisée pour différentes causes, notamment pour empêcher les mariages. Elle peut cependant être faite par une amie, une parente, une cousine, voire une sœur. Des femmes sont prêtes à payer des millions pour des compositions « magiques » visant à empêcher le mariage d’une fille par exemple », a fait savoir Ibtissem, une jeune femme au foyer rencontrée à Alger.
Les sorciers profitent de la détresse des « patients » qui sont en réalité des malades sous l’emprise du désespoir et du malheur. Apparemment, la détresse est le point commun de tous ceux qui ont recours à ce genre de pratique. Les soi-disant « guérisseuses » parviennent facilement à duper et à persuader leurs clients avec de belles paroles leur promettant un avenir radieux. Et comme ces gens sont désespérés, le plus important à leurs yeux est d’y croire. Pour eux, c’est une lueur d’espoir.
Personne n’est épargné, y compris les intellectuels. Les personnes qui n’ont pas la foi en Dieu sont des proies faciles à toutes les pratiques douteuses, y compris la sorcellerie, car l’islam l’interdit. Elle est également punie par la loi, ce qui explique les multiples arrestations dont ont fait l’objet plusieurs d’entre eux et d’entre elles. C’est là une facette d’une société prise par le désespoir et démunie de toute humanité.
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