Brahim Guendouzi, professeur d’économie et de commerce, au Jeune Indépendant : «C’est la diplomatie économique qui est mise en œuvre»

Le président de la République a visité quatre pays en deux mois. Il a rencontré ses homologues de Russie, de Chine, de Turquie ainsi que l’Emir du Qatar. Les questions économiques et le renforcement de la coopération bilatérale ont dominé les discussions, en sus de la tenue de forums d’affaires.
Dans cet entretien, le professeur d’économie et de commerce, Brahim Guendouzi explique cette démarche de l’Algérie, ses perspectives ainsi que les opportunités d’investissement et d’exportation qui s’offrent au pays.
Le Jeune Indépendant : Peut-on qualifier les visites du Président dans quatre pays en deux mois, où le volet économique a prédominé, de démarche « offensive » de l’Algérie qui veut diversifier ses alliances économiques ?
Brahim Guendouzi : Les visites que le président de la République a effectuées, que ce soit en Méditerranée, avec l’Italie, le Portugal et récemment la Turquie, ou encore en Russie, en Chine et au Qatar, visent toutes à approfondir les relations économiques, du fait de l’excellence des relations politiques qui les caractérisent.
Il faut ajouter à cela l’existence d’accords de partenariat stratégique qui lient l’ensemble de ces pays avec l’Algérie, reflétant la volonté de leurs dirigeants de continuer à travailler sur les principaux dossiers en relation avec notre pays. Aussi, et au vu de l’ensemble des accords économiques signés, il ressort effectivement une volonté de diversifier les échanges entre partenaires en leur imprimant un cachet bilatéral fort. Il s’agit d’ailleurs d’une certaine dimension de la diplomatie économique qui est mise en œuvre pour concrétiser les principaux choix de l’Algérie visant essentiellement à densifier son tissu économique et à le diversifier.
Selon vous, est-ce une nouvelle étape de coopération économique que vient de franchir l’Algérie, notamment avec la Chine et la Turquie, et surtout que ces deux pays ont exprimé leur volonté d’accroître leurs investissements dans notre pays ?
Sur le plan des échanges commerciaux, la Chine et la Turquie figurent parmi les principaux fournisseurs de l’Algérie, occupant respectivement le premier et le cinquième rang parmi tous les fournisseurs. Ils sont à un moindre degré clients. Mieux encore, ces deux pays sont ceux qui ont le plus investi dans l’économie algérienne en dehors du secteur des hydrocarbures. En effet, plusieurs sociétés chinoises et turques sont présentes sur le marché algérien. Elles le sont dans le domaine des réalisations, notamment dans le BTPH, et elles ont en charge de nombreux projets à travers le territoire national. Dans l’industrie manufacturière, des entreprises chinoises et turques ont marqué leur présence grâce à des partenariats réussis.
Quels sont les domaines qui offrent le plus d’opportunités d’investissement et qui seront surtout bénéfiques pour l’économie algérienne qui est en pleine transformation ?
D’ores et déjà, plusieurs secteurs d’activités sont identifiés comme étant sources de croissance économique. Il s’agit du secteur minier avec deux grands pôles que sont le gisement de Gara Djebilet pour l’exploitation du minerai de fer et sa transformation en acier, le gisement de phosphate de Bled El-Hadba dans la région de Tébessa, et la transformation chimique des phosphates ainsi que la production des engrais phosphatés destinés essentiellement à l’exportation. Ensuite, les énergies renouvelables représentent un potentiel sur lequel l’Algérie compte améliorer son mix énergétique ; elles nécessitent un effort d’investissement compte tenu de l’important programme de 15 000 MW à réaliser à l’horizon 2035.
L’investissement dans l’agriculture et la sécurité alimentaire représente également un objectif de premier ordre dans la politique économique du pays. Il en est de même pour l’industrie manufacturière à travers laquelle plusieurs partenariats existent déjà, avec des retombées très positives sur l’économie nationale, et d’autres à venir en fonction de la nouvelle stratégie de diversification de l’économie nationale.
D’ailleurs, le président chinois Xi Jinping a exprimé la volonté de son pays d’implanter l’une des plus grandes usines de batteries au lithium en Algérie. Enfin, le secteur des infrastructures n’est pas en reste puisque la Chine s’est engagée dans la réalisation du grand port d’El-Hamdania au centre du pays, l’extension du port d’Annaba et la réalisation de plusieurs lignes ferroviaires destinées à servir les grands sites miniers.
Il est aussi question de l’ouverture du marché chinois aux produits algériens hors hydrocarbures qu’on pourra éventuellement exporter vers ce pays. Quels sont, selon vous, les produits qu’on peut placer sur ce marché asiatique ?
Dans la structure par produits des exportations hors hydrocarbures, on peut distinguer les solvants (naphta et méthanol) produits par Sonatrach, les fertilisants (engrais azotés, urée et ammoniac), des produits sidérurgiques ou encore des produits agricoles spécifiques au terroir algérien. Malheureusement, l’offre de produits à l’export est peu diversifiée et il n’existe pas un effet de taille susceptible de cadrer avec les besoins de la Chine. Toutefois, des potentialités sont à exploiter sur le moyen terme avec un effort de prospection d’une part et une adaptation des produits aux spécificités du marché chinois d’autre part.
Les entreprises algériennes sont-elles suffisamment outillées à l’export, surtout qu’un accompagnement leur sera accordé par les pouvoirs publics ?
Il existe une dizaine de grandes entreprises qui réalisent près de 70 % du montant des exportations hors hydrocarbures, ayant des moyens adéquats et qui sont bien structurées. Elles disposent notamment d’un service export qui leur permet de se placer indirectement dans des chaînes de valeur mondiale ou régionale.
Sinon, la grande majorité des entreprises exportatrices sont des PME qui présentent des handicaps à devenir compétitives à l’international car ne maîtrisant pas tous les maillons de la chaîne et, surtout, avec une prise de risque élevée. Aussi, les entreprises orientées export ont besoin d’un accompagnement de la part des institutions spécialisées.
Elles doivent également adapter leurs produits aux exigences des marchés extérieurs. A ce titre, un arrêté interministériel existe, fixant la liste des dépenses engagées, les taux de remboursement et les conditions d’octroi de la subvention dans le cadre de la contribution de l’Etat à la promotion des exportations.
Allez à la page entière pour voir et envoyer le formulaire.