Brahim Guendouzi, économiste, au Jeune Indépendant : «L’Algérie a beaucoup d’intérêts dans ce vaste marché africain»
Le Jeune Indépendant : L’Algérie a appelé à la nécessité d’accélérer le processus d’activation de la ZLECAF. Selon vous, pourquoi ? Et quels avantages pour le pays ?
Brahim Guendouzi : Le marché africain est un marché à potentiel important, peut-être le plus important au monde. Les pays d’Afrique représentent 1,4 milliard d’habitants dans 55 pays, avec une diversité culturelle, mais aussi en termes de ressources naturelles. L’Algérie a beaucoup d’intérêt sur ce vaste marché africain. Il faut, en premier lieu, signaler l’expérience passée avec l’Union européenne qui est un marché verrouillé. Les Algériens ont eu du mal à placer leurs produits sur ce marché difficile d’accès.
Donc, le marché le plus accessible pour les entreprises algériennes c’est le marché africain. On a les mêmes conditions. En dépit de la grande concurrence, il reste un marché accessible et je pense que pour l’Algérie, dans ses objectifs principaux de diversifier ses exportations, l’idéal c’est de placer un grand nombre de produits sur ce marché.
Pour ce qui est des importations, il n’y a pas d’interdictions. Il y a une sorte de protectionnisme qui est pratiquée par tous les pays qui prennent des mesures afin de protéger une industrie naissante, une production nationale menacée, autrement le commerce est libre. Les pouvoirs publics algériens sont conscients de cette concurrence déloyale sur certains produits, la raison pour laquelle des mesures sont prises pour protéger la production locale.
Selon vous, pourquoi la mise en place de ZLACEF tarde à se concrétiser ?
L’idée de base qui a été l’initiation de l’Union africaine est que le commerce sera le facteur de développement des pays africains. C’est à travers le commerce qu’ils vont initier un développement économique large, intégré et performant. Sur les 55 pays africains, il y a des différences importantes en termes d’organisation économique, de droits de douane, de capacité de production.
La diversité des situations fait que les négociations prennent du temps lorsqu’il s’agit des questions sensibles comme le commerce extérieur. Je pense que le plus grand du travail a été fait. Maintenant, c’est aux entreprises de prendre le relais pour développer des transactions et les échanges.
Il y a aussi une véritable difficulté relative à la logistique dans les pays africains. Cette dernière pose problème, car certain pays n’ont pas de façades maritimes, donc la difficulté de transporter les marchandises par voie aérienne ou routière se pose, comme au niveau du Mali et du Niger, où cette question pose problème. Cette situation peut entrainer des frais élevés et ça peut être un frein pour le commerce. Néanmoins, il faut signaler que de grands pas sont faits pour ce qui est des aspects techniques de la ZLECAF.
Pour la partie algérienne, il y a des mesures incitatives prises par les pouvoirs publics pour accompagner les entreprises exportatrices, à l’instar de l’ouverture d’agences bancaires au niveau de certaines capitales africaines, l’accompagnement de la Safex pour les entreprises dans le cadre de la prospection de marché.
La mise en place de la Zone de libre-échange africaine peut-elle constituer une solution pratique en vue de mettre le continent à l’abri des crises économiques internationales ?
Il faut savoir qu’il y a un effet de contagion inévitable quand il y a une crise. Actuellement, il y a une prise de conscience, c’est que les pays africains veulent attirer le plus grand nombre d’investissements et ils veulent enclencher un processus d’industrialisation. Ils veulent bénéficier d’une certaine attractivité par rapport à certains investisseurs qu’ils soient européens, nord-américains ou asiatiques.
L’objectif est de développer les capacités industrielles pour valoriser des matières locales et diversifier la production et les exportations. Il est aussi question d’enclencher le processus d’industrialisation, car ce dernier doit avoir un impact positif sur l’emploi, l’apprentissage technologique, le savoir-faire…
Les conditions d’accès sont définies par les responsables des pays africains dans le cadre de l’Union africaine notamment, ce qui touche au démantèlement tarifaire, qui se fera progressivement, mais une grande partie a été déjà négociée. Il y aura des investissements croisés entre ces pays, un partenariat développé. L’ensemble de ces axes importants vont permettre aux pays africains de se constituer en un marché important d’ici l’horizon 2030.