Guendouzi : « Le déficit budgétaire devrait se creuser en 2021»
Le PLF 2021 va être adopté ce lundi à l’Assemblée populaire nationale. Les députés ayant débattu durant deux jours ce projet de loi ont émis des réserves même si le caractère exceptionnel de la conjoncture qui a vu son élaboration a été souligné.
Le financement du déficit budgétaire reste donc un dilemme pour les autorités. Brahim Guendouzi, professeur d’économie à l’Université de Tizi Ouzou et consultant, estime que le financement monétaire autre que la planche à billets reste la solution la plus réaliste et efficace, d’autant qu’elle est immédiate. Ce mécanisme reste cependant insuffisant pour combler le déficit budgétaire.
Le Jeune Indépendant : Le déficit budgétaire devrait se creuser durant l’exercice 2021. Le ministre des Finances estime que l’Etat prévoit des mécanismes pour financer celui-ci, notamment à travers le recours de la Banque d’Algérie aux opérations de financement afin de libérer la liquidité bancaire. Ces mécanismes sont-ils suffisants pour rendre le déficit moins contraignant et être à la hauteur de ce défi, lequel s’annonce difficile, surtout que la planche à billets et l’endettement extérieur sont bannis par les politiques ?
Brahim Guendouzi : Le contexte économique étant caractérisé par une récession (absence de croissance pour 2020, ndlr) et par la pandémie de la Covid-19, dont l’évolution reste encore incertaine, l’Etat est dans l’obligation d’agir de façon volontariste, c’est-à-dire garder les dépenses publiques à un niveau élevé afin de pouvoir faire face aux retombées économiques et humaines de la crise sanitaire. Les recettes publiques seront, en revanche, en forte baisse en raison de la chute de la fiscalité pétrolière mais aussi de la fiscalité ordinaire du fait de la baisse de l’activité de la plupart des entreprises. Aussi, on s’attend à un fort déficit budgétaire qui risque d’accentuer l’aggravation des équilibres macroéconomiques. La question du financement de ce déficit devient alors un dilemme. La solution la plus réaliste et la plus efficace, dans la mesure où elle est immédiate, est justement un financement monétaire autre que la planche à billets. Il s’agit d’un mécanisme prévu par l’article 102 de la loi de finance 2017 consistant, pour la Banque d’Algérie, à distribuer un dividende exceptionnel à partir des provisions détenues disponibles dans son actif, sans affecter la dette publique. En sus, il existe le recours au marché monétaire à travers le réescompte des effets publics, comme les bons du Trésor, avec une décote et un taux d’intérêt bas. Cependant, le financement monétaire est largement insuffisant pour combler l’important déficit budgétaire.
Les transferts sociaux représentent 23,7% du budget de l’Etat pour l’exercice 2021. Ils s’élèveront à 1 929,35 milliards de dinars, soit une hausse de 81,58 milliards dinars par rapport à 2020. Une politique de ciblage doit-elle être menée en urgence ?
Effectivement, les transferts sociaux représentent une part consistante dans le budget de fonctionnement. La question du ciblage des subventions directes et indirectes est toujours posée. Faute d’être mieux outillé pour pouvoir l’appliquer, tout en maîtrisant les conséquences sur le pouvoir d’achat des citoyens, elle est reportée par les pouvoirs publics chaque année. Cette fois-ci, il sera difficile d’entreprendre quoi que ce soit dans ce sens vu la
gravité des retombées humaines et sociales de la pandémie. Toujours est-il qu’une préparation minutieuse d’un ciblage des subventions, afin de soulager les dépenses, est plus que nécessaire pour l’après Covid-19.
Le prix référentiel du baril est fixé à 40 dollars alors que les prix de l’or noir peinent à se maintenir à ce niveau en raison de la crise sanitaire de la Covid-19, laquelle a ralenti la demande mondiale. Ne serait-il pas prudent de fixer le prix référentiel du baril à 30 dollars ?
La stabilisation des cours du pétrole à 40 dollars ces six derniers mois a amené les responsables de la politique économique à retenir ce prix comme référence de la LF 2021. Mais comme les cours du pétrole sont devenus largement erratiques, il devient difficile d’en retenir un de façon certaine car la volatilité est de mise sur le marché pétrolier. La crainte est plutôt ailleurs pour le pays. C’est la réduction de la production pétrolière de Sonatrach, le bouleversement du marché gazier et ses conséquences sur les exportations algériennes, la croissance rapide de la consommation énergétique en Algérie, etc.
Le gouvernement envisage de soutenir le partenariat public-privé dans le cadre de la réalisation et la gestion des projets d’équipement. Le gouvernement Djerrad réussira-t-il à concrétiser ce partenariat dont on a longtemps parlé ?
Même si la question sensible relative au partenariat public-privé (PPP) fait l’objet d’un consensus politique, les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas totalement réunies. Aussi, même si l’option est retenue comme hypothèse forte, il appartient au gouvernement de réunir l’ensemble des facteurs permettant une prise de décision consensuelle sur cette question pour garantir la réussite du processus. Il ne faut pas tomber dans la précipitation dès lors que la démarche risque de s’avérer complexe et nécessitera ainsi beaucoup plus d’expertise et de temps car, en définitive, ce qui importe, c’est plus la réussite du changement structurel touchant une partie essentielle du tissu économique algérien.