Benflis et Tebboune se manifestent déjà

Deux des cinq candidats à la présidentielle du 12 décembre ont fait connaître leurs intentions. Après Abdelmadjid Tebboune qui a rendu public son programme de campagne, c’est au tour de Ali Benflis de présenter le sien. Les deux pretendants à la magistrature suprême ont un point commun, celui de se revendiquer du hirak ou de faire leurs les grandes lignes du mouvement, à savoir la naissance d’une deuxième République avec tous ses attributs démocratiques.
Ali Benflis a présenté hier, aux côtés de plusieurs chefs de partis microscopiques qui le soutiennent depuis longtemps (Tahar Benbaibeche, Djamel Abdesslem, le SG du mouvement Ennahda Yazid Benaicha, Mohamed Zerrouki, et Abed Haddad) son programme de candidat à la présidentielle qu’il présente comme une réponse « aux revendications de changement portées par la Révolution populaire pacifique ». Il considère que le mandat présidentiel sera par conséquent un « mandat d’urgence nationale pour asseoir définitivement « une transition politique » visant à mettre fin à « la personnalisation du pouvoir ». Selon Benflis, son programme présente quelque chose de « global et de transversal » avec de « moindres risques pour le pays ». Il promet qu’après la prestation de serment, il engagera immédiatement des « consultations » avec les partis et personnalités politiques et représentants de la société civile pour « bénéficier de leurs avis » en prévision du lancement des « ateliers de réformes politiques et économiques » et nommera, aussitôt élu, « un gouvernement d’ouverture nationale » avec les soutiens des candidats, mais également avec des compétences nationales pour mettre en œuvre une « politique d’urgence nationale ».
Benflis veut la dissolution immédiate de l’APN
Benflis a indiqué qu’il mettra fin à l’Assemblée nationale (APN) considérant que l’actuelle « n’a plus de légitimité », ce qui suppose de nouvelles élections législatives durant le premier trimestre de l’année 2020. Mais avant de mettre cela en œuvre, il compte revoir de fond en comble les textes qui régissent les élections, notamment la loi sur les partis politiques, le code électoral, le découpage électoral, ainsi que l’Autorité indépendante des élections. Selon lui, le futur Premier ministre « sera issu de la majorité parlementaire » et aura à « partager les pouvoirs avec le chef de l’Etat » dans le cadre d’une nouvelle configuration des rapports entre les deux têtes de l’Exécutif.
Le Conseil de la nation sera supprimé dans sa configuration actuelle pour être remplacé par « le Conseil supérieur des territoires », et également le Conseil constitutionnel qui deviendra Cour constitutionnelle dont le président sera, non plus désigné par le président de la République, mais élu par ses pairs. En direction des partisans de la Constituante, Benflis s’engage à dégager de la future Assemblée élue une commission qui va proposer un projet de Constitution pour le pays qui sera soumis à référendum. Il s’agit pour lui de « mettre définitivement fin à la personnalisation du pouvoir et à ses dérives totalitaires », et promouvoir la citoyenneté et l’Etat de droit, tels que revendiqués par le hirak.
Sur la question des frontières avec le Maroc, il aborde avec une certaine prudence la problématique des frontières terrestres avec ce pays, fermées depuis 1994 : « La question doit être posée dans le cadre d’un dossier complet » entre les deux pays, a répondu l’ancien Premier ministre. « Il faut négocier et débattre », affirme-t-il, rappelant que les Algériens « ne sont ni les ennemis du Maroc, ni les adversaires du peuple marocain. Ce sont nos frères et nos voisins mais quand il y a des dossiers délicats et des divergences, il faut ouvrir le dialogue et se rencontrer en vue de trouver des solutions. « Il faut se rapprocher du Maroc et de la Tunisie au lieu de les soupçonner d’être des ennemis », dit-il encore.
Tebboune le novembriste
Abdelmadjid Tebboune avait déjà, le premier, rendu public son programme électoral qui se veut selon lui « total et global ». Entouré des membres de son staff de campagne l’ex- Premier ministre, qui a reçu le soutien du président d’El Islah, a expliqué que la présidentielle « n’est pas la solution à la crise politique, mais le début de la solution » qui doit appeler d’autres démarches à l’avenir. Tebboune a bâti son programme de campagne à la suite d’un diagnostic « précis de la situation » aux niveaux politique, économique et social. Selon lui, la priorité reste la crise économique mais aussi « la révision de la Constitution » pour l’instauration d’une nouvelle République, en écho aux revendications du hirak.
Sur le plan économique, il a pointé le doigt sur de nombreux « dysfonctionnements », estimant que les potentialités du pays « sont énormes » pour trouver des solutions à cette crise : « Il y a de l’argent, je sais où le trouver et où l’investir », a-t-il indiqué, en assurant que l’opération de lutte contre la corruption engagée par le ministre de la Justice se poursuivra et que « l’argent volé sera bien rapatrié ». Pour sa part, le porte-parole du candidat Abdelaziz Belaid, Mustapha Haddam, qui est intervenu hier sur les ondes de le Chaîne III de la radio nationale, a appelé au changement du personnel politique pour remplacer la légitimité révolutionnaire par la légitimité populaire. Pour Mustapha Haddam, le scrutin présidentiel sera « la seule légitimité populaire » à même de faire sortir l’Algérie de la situation de crise multidimensionnelle dans laquelle elle est enfoncée. Ce porte-parole n’a eu de cesse d’en appeler à la notion de légitimité pour faire passer son message. Au passage, il croit utile de souligner que son parti a eu à se présenter à l’ensemble des élections organisées dans le pays parce que », précise-t-il, « nous ne croyons pas à la politique de la chaise vide ». Haddam tient à signaler que dès 1962, les pouvoirs qui se sont succédés à la tête de l’Algérie « se sont tous appuyés sur la légitimité révolutionnaire » pour gérer son avenir. Aussi il considère qu’il est temps désormais, pour les personnes ayant bénéficié de cette légitimité, « de passer la main » à travers des élections « propres et transparentes » seule habilitées, dit-il, à donner une légitimité populaire aux institutions. Rappelant que le candidat qu’il représente est né après l’indépendance, l’intervenant juge que celui-ci connaît donc « les préoccupations de sa génération » et de celle qui est venue après. Du prochain scrutin, il estime qu’il ne devrait pas être précédé du lancement de réformes quand on n’a pas la légitimité nécessaire.
Et de s’interroger : « Qui va engager ces réformes, des personnes désignées, mais désignées par qui ? » Pour lui, il faudrait avoir une certaines légitimités, « plan institutionnel et constitutionnel », pour entreprendre les importants chantiers destinés à gérer la période de crise « multidimensionnelle à laquelle est confrontée l’Etat algérien. A propos de la situation politique actuelle, il observe qu’après le départ de l’ancien Président, « le pays est en train de vivre une période de transition « qui ne dit pas son nom », suivie, ajoute-t-il, par « une période de contestation » de la légitimité de ceux qui la gèrent. De cette contestation qui s’exprime, les « mardis et vendredis » Haddam pense qu’elle ne peut trouver sa réponse qu’à travers un président de la République légitimement élu.
Bengrina tape fort sur les candidats
S’exprimant hier au forum du journal El Wassat, le candidat Abdelkader Bengrina s’en est pris à certains candidats sans les nommer. Il les a accusés de lui « piquer » les idées de son programme : « Nous avons dit que nous reverrions à la baisse le prix de la semoule. Un candidat nous a entendus, il a proposé aussi de baisser le prix. Nous avons annoncé que nous baisserions l’IRG (Impôt sur le revenu global). Un candidat nous a entendus, il a proposé la même chose », a-t-il lancé. Et d’asséner : « Il ne reste que le congé de maternité qui n’a pas été calqué ». Pour Bengrina, son programme électoral « est riche », sans plus.
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