Belaili, le mauvais garçon du football DZ ?

Jamais le championnat national de football n’a pris les dimensions sociales, psychologiques qu’il est en train de vivre cette saison 2024 avec une intrusion brusque et généralisée, massive des réseaux sociaux et leur terrible influence sociologique et comportementale sur la vie des jeunes Algériens. La galaxie Meta a pris littéralement possession des jeunes générations algériennes, et fait déjà des conquêtes absolues et généralisées dans la planète football.
L’ère du numérique a pris plus vite que l’on ne pensait possession de la planète football, et fait désormais office de mentor autant des présidents de clubs que des responsables de la fédération algérienne de football. Les réseaux sociaux sont en fait devenus les vrais patrons de notre football et les décisions des autorités et instances sportives nationales et fédérales ne sont plus -faut-il le déclarer et l’affirmer?- issues de leurs décisions et autres délibérations. Combien même sont-elles parfois très subjectives. Et le fait que le MCA pulvérise les compteurs et les pronostics, avec plus de 12 points sur ses poursuivants, est un autre motif d’inquiétude pour ses rivaux…d’hier et d’aujourd’hui.
Je suis un fan de football et mon club de cœur est le Mouloudia Club d’Alger, le MCA qui fait tant, actuellement, chavirer le cœur des foules et des mordus du ballon rond dans mon pays, l’Algérie, qui a vu son premier championnat organisé en 1919, à Oran, par les autorités sportives de celle ville du temps de la colonisation. Avant, il n’y avait que de petits matchs entre clubs naissants, et, l’attention était orientée vers les clubs de la métropole, Bordeaux, Saint-Etienne, Nîmes Olympique…
En 1920 les premiers championnats régionaux de football débutent simultanément à Alger et Constantine et sont animés par les Ligues Algéroise de football Association (LAFA) et Constantinoise (LCFA). Mon club de cœur, le MCA donc, naît une année après, en 1921, le 7 du mois d’août, et l’accord des autorités coloniales tombe le 27 août du même mois, soit le jour du Mawlid Ennabaoui. 1921-2024, beaucoup d’eau est passée sous les ponts du sport dans mon pays, et plus particulièrement dans la discipline populaire, la plus adulée, sinon la plus prisée dans le monde, le football.
Des hommes et des clubs nés sous l’occupation coloniale ont créés et animés des rencontres de football en mode plus combat libérateur que rencontres sportives. Entre 1921 et 1948, des clubs musulmans vont alors naître dans cette Algérie colonisée, et occuper politiquement plus que sur le plan sportif le devant de la scène footballistique, mais également des autres disciplines comme la Boxe, la Natation et le cyclisme, à cette époque coloniale. Il en est ainsi plus particulièrement de la JSK, la Jeunesse Sportive de Kabylie, en vert et rouge, fondée le 2 août 1946, pour créer dans la ville de Tizi-Ouzou un club pour les musulmans, pour les kabyles pour concurrencer celui des pieds-noirs et la colonisation, l’Olympique de Tizi-Ouzou, l’OTO. Ce sera ainsi à travers toute l’Algérie, et ce n’est qu’après les tristes événements de mai 1948, que l’administration coloniale n’exige plus des clubs musulmans d’intégrer dans leurs effectifs trois joueurs européens et un administrateur au sein du staff dirigeant.
Le Chnawas sont nés à Saint-Eugène
Mon club de cœur est donc ce Mouloudia d’Alger précurseur des clubs musulmans, le Doyen, qui faisait bouger les lignes du monde sportif à l’époque coloniale, à tel point qu’au milieu des années 1936, alors que le club venait d’accéder à la division d’Honneur, les autorités communales de Saint-Eugène ont contacté les dirigeants du Mouloudia pour leur proposer une domiciliation dans le stade de la commune, et y jouer alternativement avec le club fétiche du quartier et de la commune, l’ASSE où évoluaient des joueurs algériens de talents, dont le toujours jeune Mohamed Maouche. La raison de cette faveur inattendue ?
Le club musulman, le MCA, drainait une foule nombreuse à chacune de ses sorties au petit stade de Belfort, à El Harrach. Et il faisait du nomadisme entre les stades de Cerdan de Bab El Oued et celui de Lussac, à la Pointe Pescade, en passant par le terrain de Mingasson (Bab Ejdid) pour ses entraînements. C’était en 1936 et ses nombreux et bruyants supporters avaient forcé la main aux autorités communales de Saint-Eugène pour la domiciliation du seul club musulman de cette époque au stade de la commune ; au passage, les dirigeants du Mouloudia, à leur tête Mouloud Djazouli, alors secrétaire général du club, avaient exigé 30% des recettes, alors que l’ASSE ne faisait pas le plein lors de ses rencontres à domicile.
Durant l’ère Haddad à l’USMA, le MCA redeviendra un club sans ‘’domicile fixe’’, et l’est toujours avant la réception de son futur stade baptisé du nom d’un des héros de la bataille d’Alger, Ali La Pointe, Ali Ammar, un supporter du club. Les autorités de mon pays et le président Abdelmadjid Tebboune, ont fait un geste salutaire envers cette association, qui est plus qu’un club, un emblème de l’Algérie. Cette parenthèse historique étant faite pour rappeler deux choses importantes : d’abord que le MCA, avec ses titres et son étoile africaine, est né orphelin et ne possède toujours pas, formellement, son propre stade de football ; ensuite et c’est extrêmement important, c’est le seul et unique club algérien qui peut se targuer de dire que ses supporters se comptent en dizaines de millions de fans aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en France et même chez notre voisin de l’ouest, et que ses supporters sont issus de tous les territoires du pays, du sud au nord et d’est en ouest, et, plus que tout, c’est le seul club de football qui a une dimension sociale, un caractère national, voir international.
Ses grands matchs, dans les années 70-80-90 contre le CRBCRB Le Chabab Riadhi Belouizdad plus couramment abrégé en Chabab Belouizdad ou encore CRB, est un club de football algérien basé dans le quartier de Belouizdad à Alger, est fondé le 15 juillet 1962., l’USMA, la JSK font le plein au stade du 5 juillet, plus que l’équipe nationale. Et c’est de là, de ce nombre impressionnant et bluffant de ses supporters qu’est née, je crois, l’expression Chnaoua, pour désigner les supporters du club. Contrairement aux autres formations de l’élite nationale du football, le Mouloudia n’a jamais été et ne sera jamais un club de quartier. Cela est un fait, une vérité sociale.
Les réseaux au rythme de Belaili…
Cette année, le club s’est renforcé, le chéquier a fonctionné à plein régime, et des joueurs de classe internationale ont été recrutés, avec un seul objectif : un titre qui fuit les Mouloudéens depuis un peu plus d’une décennie. Belamri est recruté, un joueur ivoirien, Mohmed Zougrana arrive dans les bagages du coach Patrice Beaumelle, et, surtout, l’enfant terrible du ballon rond DZ, Youcef Belaïli. Et, avec lui, les victoires s’enchaînent, le 5 juillet devient une immense fresque théâtrale avec des tifos sublimes brandis et montés par des dizaines de milliers de supporters.
Le temple du 5 juillet redevient cette belle arène du football algérien des années 1970, lorsque le Mouloudia, engagé en coupe d’Afrique des clubs champions, l’ancienne formule de la ligue des champions actuelle, terrassait comme un artiste, avec l’art et la manière ses adversaires, et quels adversaires : le Hafya de Conakry qui avait dans ses rangs la moitié du Syli guinéen et, surtout, Al Ahli, le National du Caire avec ses 11 joueurs de l’équipe nationale égyptienne, et son Captain Mahmoud El Khatib.
Le stade du 5 juillet est devenu, depuis le début de cette saison 2023-2024 incontournable pour tous ceux qui veulent voir jouer cette équipe du Mouloudia qui fonce comme un buldozzer vers le titre. Mais, surtout, les prouesses, et parfois, il est malheureux de le souligner, les pitreries de Belaïli, qui marque des buts, fait marquer ses coéquipiers, qui récolte des cartons en veux-tu en voilà et qui fait bouillir comme pas un la planète Zuckerberg : tous les réseaux bruissent et résonnent comme des milliards de télescripteurs, un nombre infini de touches de claviers qui rapportent, dénoncent et insultent, louent ou vantent, et soutiennent ses sorties sur les terrains.
Il est clair, en un mot comme en mille, que Belaïli ne laisse personne indifférent, partisans comme adversaires, et sa prestation face à l’arbitre Ghada du quart de finale face au WAT au 5 juillet dimanche a laissé plus d’un perplexe. Moi, pour ma part, j’ai été déçu par cette prestation en deçà de la qualité de jeu qu’on attendait de lui, ce qui laisse à penser que le staff dirigeant est lui-même sous le charme ensorceleur du joueur, jusqu’à ne plus avoir d’emprise sur lui, ni le corriger ou changer son comportement sur le terrain.
Ce qui est absolument dommageable pour l’audience et le respect dû au Doyen par les supporters des clubs rivaux. A commencer par les voisins de l’USMA, rouges de jalousie devant les succès de ‘’l‘ennemi intime’’, et alimentent un débat cosmique à Soustara et Bab El Oued sur la nécessité de porter sur le maillot du club deux étoiles, l’une pour le dernier sacre en coupe de la CAF, l’autre pour la super-coupe de cette compétition africaine, la C3 en Europe. Les Verts et Rouges, eux, se marrent, en taquinant leurs voisins de paliers et de quartiers en leur expliquant qu’une étoile équivaut au sacre de la Ligue des Champions.
Un débat cosmique boudé, sinon ignoré par la FAF, qui reste étrangement loin de ces joutes numériques sur la planète des réseaux sociaux où souvent, les esprits s’échauffent et sortent de la limite de la correction. Mais, il est intéressant de relever cette année ce regain de vitalité de la planète football dans mon pays, avec des gradins bien remplis, des supporters qui viennent aux stades après les avoir déserté, et, plus que tout, cet engouement retrouvé pour le sport en général et le football en particulier.
Il en est ainsi, outre la sacrosainte rivalité sportive entre le MCA, et ses outsiders le CRB et l‘USMA, qui tentent de lui grappiller dans la capitale quelques territoires laissés en friche par les Shnawas, une rivalité en termes de supporters, entendons-nous bien (le CRB étant, plus que l’USMA, un simple club d’un ou deux quartiers d’Alger, Belouizdad et El Madania), de cette intrusion étonnante et fulgurante des Sanaphirs Constantinois dans ce vieux débat éculé de qui est venu le premier, la poule ou l’œuf.
1898 serait l’année de naissance du CSC, selon sa galerie, qui voyage à travers les stades du pays avec ce slogan fétiche, et s’approprie, l’espace d’un match de football, l’histoire de la naissance des clubs algériens…oubliant que la loi coloniale sur les associations de 1905 ne tolérait aucune associations d’origine ou à caractère musulman…jusqu’en 1921 et le tour de passe-passe de Aouf bderrahmane dans les statuts du Mouloudia, en leur aticle 1 :’’ est créé un club musulman pour la pratique sportive…’’.
Et, à travers la planète Zuckerberg, le débat fait rage et ce sont plutôt les Sanaphirs qui sont les plus offensifs sur ce thème de qui est né avant les autres, quand la FAF a déjà tranché sur ce vieux dossier. Un débat vraiment éculé qui n’apporte rien de nouveau pour l’amélioration du niveau des clubs comme pour le fair-play dans les tribunes, mais, au contraire, vampirise l’ambiance dans les stades algériens et créé une surchauffe dangereuse à chaque grande rencontre entre clubs de l’élite.
Ce qui se passe dans les stades est devenu un autre spectacle affligeant, désastreux, pas en tout cas celui que l’on voudrait voir et apprécier, comme cela a été constaté lors du match entre l’ESSétif et le MCAlger : une tribune sétifienne chauffée à blanc par le chauvinisme, terriblement arrogante et agressive, des supporters du club visiteur agressés, l’enfant terrible du football DZ sorti sous les obscénités des supporters et la presse nationale qui se focalise sur le geste condamnable du joueur.
Mêmes scènes de désolation au stade Mustapha Tchaker de Blida lors du match de coupe entre le MCA et le CR Zaouia, des milliers de sièges volent vers le terrain ; puis au stade du 20 août 1955 d’Annaba lorsque les Sanaphirs arrachent et brûlent les sièges du stade, puis récidivent à Oran lors de leur match de coupe face à Ben Aknoun, sans que la presse ne s’en offusque, tout comme les supporters du CRB qui ont saccagé les sièges du 5 juillet, quand les fans de l’USMA et du Mouloudia rivalisent en superbes Tifos et chansons à la gloire de leur clubs respectifs au temple du 5 juillet 1962.
Mais pas que, puisque les supporters Usmistes et Mouloudéens se livrent à une belle guerre numérique sur les réseaux sociaux, avec comme sujet principal Belaïli, qui divise et dont les prestations font jaser, surtout quand il fait changer le cours d’un match. Une belle guerre de tranchées entre supporters qui donne autrement du piquant à ce championnat qui somnolait, avant que le MCA ne se réveille cette année et mette tout le monde d’accord : les stades de football se remplissent de nouveau, les recettes deviennent plus importantes, les agents et les personnels des enceintes sportives sont payés régulièrement, les communes voient leurs recettes grossir et les commerçants et hôteliers faire de bonnes affaires, les transporteurs privés se frottent les mains, les clubs de football de la LFP et des autres ligues remplissent leurs caisses, les enjeux deviennent plus importants et, last but not least, l’économie locale retrouve des couleurs et une belle santé financière avec ces dizaines de milliers de supporters qui font chaque week-end le déplacement avec leurs clubs.
La bonne santé sportive du Mouloudia cette saison a sans conteste donné au moins 1 point de pourcentage à l’économie locale : tout le monde a encore à l’esprit cette image venue d’ailleurs de centaines de minibus traversant un pan de l’autoroute est-ouest vers la ville de Teleghma, et ces policiers sereins et professionnels encadrant des milliers de supporters du MCA en direction du stade de cette ville calme et paisible du Constantinois. Ou ces stades d’Oran, de Béchar, de Khenchela, d’Oued Souf, d’El Bayadh, où avaient pris place des dizaines de milliers de Chnawa faisant communion avec les supporters locaux… Quand le Mouloudia va…
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