Bedoui aux abonnés absents
Les Algériens ne voient plus Noureddine Bedoui dans les médias, alors que ses ministres décident, sortent sur le terrain, nomment, démettent et continuent à prendre des décisions au moment où la rue n’arrête pas de flamber depuis le 22 février. Où est passé le Premier ministre désigné à la place d’Ahmed Ouyahia le 11 mars 2019 et dont la mission était de mettre sur pied un cabinet de technocrates dans l’urgence absolue ?
Trois semaines après, mis à part une conférence de presse tenue avec Ramtane Lamamra le 14 mars, Bedoui n’a pas soufflé mot. Silence radio. Noureddine Bedoui ne s’est plus exprimé alors qu’il est censé le faire comme tout responsable de l’Exécutif qui se respecte. Les observateurs considèrent que ce silence n’a pas lieu d’être. « Il est même inquiétant, d’autant plus que le pays vit une étape des plus incertaines. On n’a jamais vu ça dans aucun pays. Un Premier ministre invisible alors que ses ministres s’expriment sans parcimonie », relève-t-on.
Les mêmes observateurs soulignent dans ce même ordre d’idées que Bedoui n’a rien fait depuis sa nomination. « La seule opération qu’il a effectuée c’est de rappeler tous les ministres du gouvernement Ouyahia, alors que ces ministres sont décriés quotidiennement par le peuple », tonne une source au fait des affaires du Palais du Gouvernement.
Les Algériens se demandent aussi pourquoi il n’a pas jugé utile de nommer un porte-parole du gouvernement chargé de briefer la presse. « Bedoui a fermé tout. Aucun canal de communication n’existe au Premier ministère.
Les médias, faute de déclarations officielles du successeur d’Ahmed Ouyahia, se perdent dans des conjectures, rendant ainsi la mission d’informer des plus délicates.
Pourtant, Bedoui n’est guère un néophyte. Ses états de services plaident pour ce natif de Aïn Taya, en 1959. Énarque (promotion Mohamed Laid Al Khalifa, en 1985), auditeur à la Cour des comptes, cadre de wilayas et trois fois wali, Noureddine Bedoui est un pur produit de la technocratie algérienne.
La politique le rattrape en 2013 quand il est promu pour la première fois ministre. D’abord ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels jusqu’en 2015, où il a eu comme secrétaire général Nacer Bouteflika, frère du chef de l’État, il était très proche de son « second ». Bedoui non communicant ? Au contraire. Ses collègues au gouvernement parlent d’un « homme affable, plein d’humour ». « Il est calme, mais il ne faut pas trop le chercher », a précisé l’un d’eux, interrogé par Jeune Afrique. « Son habileté à se tenir à l’écart des querelles partisanes est saluée », souligne le média.
On se souvient par ailleurs lorsque Bedoui était le seul ministre (de l’Intérieur) autorisé à s’exprimer sur toutes les questions. Y compris celles qui concernent d’autres départements comme l’Education nationale et celui de la Santé. Une aubaine pour les médias algériens, qui le sollicitent à chacun de ses déplacements sur des sujets d’actualité, comme la grève des médecins résidents. Alors ? Pourquoi ce silence qui ne sert aucunement le pays ? Bedoui ne semble répondre à aucun appel. Est-il déjà démissionnaire ?