Bataille de suspicions ou guerre de certitudes
Cafouillage ou confusion, toute la classe politique, relayée par des médias, veut enfoncer le clou. Depuis des jours, un seul thème revient dans la bouche : il existe une « vacance du pouvoir » et il faut actionner l’article 88 de la Constitution.
L’inaction d’Abdelaziz Bouteflika et ses rares apparitions télévisuelles ne font qu’accentuer l’idée qu’il a du mal à assumer ses fonctions normalement. Depuis bien longtemps, il ne fait plus de visites sur le terrain, n’inaugure aucun projet ou chantier, ne lance plus ses fameuses boutades, confiant la lourde mission désormais au Premier Ministre, Abdelmalek Sellal.
C’est vrai que les bulletins de santé ont disparu depuis l’épisode éphémère du professeur Zitouni. C’est vrai aussi que notre régime politique est aux antipodes de la gouvernance institutionnelle qu’on constate dans certains pays dits démocratiques ou même dans des nations « émergentes politiquement ». Mais que se passe-t-il réellement pour que le président français François Hollande téléphone au Premier ministre pour s’enquérir sur la disparition de son concitoyen ? Pourquoi ne s’adresse-t-il pas à son homologue Bouteflika ? Qui l’en aurait empêché ? C’est à partir de cet épisode inédit dans les annales protocolaires que notre opposition s’est mise en branle. Il y a ceux qui réclament, comme la coordination nationale des libertés (CNLTD), la mise en place d’une transition rapide. Ali Benflis pense qu’il y a une vacance de pouvoir, alors que d’autres estiment qu’il existe même de gros conflits d’intérêts autour d’une perspective d’une présidentielle anticipée.
Qui dit vrai et qui dit faux ? Qui manipule qui et quoi ? Pour les alliés et partisans de Bouteflika, on est unanime à refuser catégoriquement la moindre esquisse d’une idée de transition ou d’installation d’une période dite de « parenthèse politique et institutionnelle ».
Certains y croient que les choses vont rentrer dans l’ordre dans quelques mois ou semaines. Que faut il y penser, quand le projet cher au président Bouteflika, la révision constitutionnelle, a disparu des discours officiels, n’attire plus les opinions et n’enflamme plus les débats politiques et médiatiques. Allons-nous vers un énième report ou vers une annulation pure et simple du chantier ? Bouteflika va t’il se résigner à lancer de nouvelles consultations moins sophistiquées que les premières ? Ira-t-il jusqu’à réviser un ou deux articles qui posent problème, comme le nombre des mandats ou les prérogatives de quelques institutions de la République ?
Acculé et coincé par la position inconfortable du Président Bouteflika, l’alliance présidentielle, en dépit de ses différences flagrantes et des divergences tactiques et stratégiques, s’accroche au tronc sauveteur apporté par le FFS avec sa « conférence nationale sur le renouveau du consensus ». Bouée de sauvetage ou issue de secours, il faut bien y croire que cette alliance trouve bien d’énormes difficultés à faire convaincre l’opposition du bien-fondé de la démarche soit du FFS, soit du pouvoir Entre parti-pris des uns et l’arrogance ou le mépris des autres, le risque que cette rupture accentue davantage la crise de confiance est bien réel.
Que faut-il faire pour mobiliser l’opinion publique et la classe politique et tenter de raccorder les violons ? Siffler des temps additionnelles pour une révision constitutionnelle, jeter en pâture un éternel remaniement gouvernemental, dénoncer le complot du marché pétrolier et la dégringolade des prix du baril, jouer la propagande des procès qui séduisent le grand public, comme Khalifa, ou mettre le paquet encore une fois sur le football et l’Equipe nationale et son slogan unificateur de one two three viva l’Algérie ?