Baccalauréat: Les syndicats dénoncent une décision «irréfléchie»
La moyenne exigée pour l’obtention du baccalauréat cette année est de 9/20. C’est le cadeau offert par le ministre de l’Education nationale, Mohamed Ouadjaout, aux candidats du baccalauréat session 2020-2021. Une annonce qui a fait le bonheur des futurs bacheliers mais qui a suscité l’indignation des syndicats.
Exceptionnellement cette année, la moyenne exigée pour l’obtention du bac est fixée à 9/20, a fait savoir le ministre de l’Education national, Mohamed Ouadjaout. S’exprimant hier, lors d’un point de presse organisé au siège du ministère, M. Ouadjaout a précisé que cette mesure intervient conformément au système de rachat contenu dans la loi y afférente de 2007. Ainsi, selon le ministre, tout élève ayant obtenu une moyenne de 9/20 à l’examen du baccalauréat est considéré comme admis, expliquant cette décision par « les conditions particulières vécues par les élèves pendant presque huit mois à cause de la pandémie du Coronavirus ».
Bachir Hakem, syndicaliste et enseignant à la retraite, estime que cette décision est un coup de grâce pour le baccalauréat algérien, et c’est une « honte » vis-à-vis de l’étranger. Contacté par le Jeune Indépendant, le syndicaliste a qualifié la décision de « populiste et politique mais anti-pédagogique »Elle vient, selon lui, de « plonger l’éducation au plus profond du gouffre ». « Il aurait été plus simple de ne pas reporter le bac et de comptabiliser les deux trimestres, cela aurait été plus crédible », a-t-il indiqué. Selon lui, les bacheliers qui obtiennent leur bac avec une moyenne entre 9 et 10 auront des difficultés à suivre et plus de 90% d’entre eux finiront par abandonner. M. Hakem a souligné que la prise d’une telle décision ne peut avoir qu’une seule explication, celle d’éviter une surcharge en terminale. « On vient de distribuer un diplôme pour se débarrasser de la plupart des élèves de 3e année pour avoir le minimum d’échec, et donc moins d’inscription au secondaire », a-t-il expliqué. Regrettant ce qu’il qualifie de « maladresse » de la part des autorités concernées, l’ancien professeur de mathématiques estime qu’elles pouvaient à la rigueur exécuter cette décision sans l’annoncer en jouant sur le logiciel, et ce pour ne pas discréditer le baccalauréat 2020. Il a fait savoir que cette décision est démoralisante pour tous les travailleurs de l’éducation qui voient tous leurs efforts de relever le niveau éducatif des élèves tomber à l’eau. « Les élèves studieux aussi sont malheureux car après une année de travail sans relâche, malgré la pandémie, voit leur baccalauréat 2020 taxé de bac à deux trimestres et à 09/20. C’est malheureux », a-t-il ajouté.
Pour sa part, le secrétaire général du Snapest, Meziane Meriane, estime que le prestige du baccalauréat algérien prend un coup avec cette décision de revoir à la baisse la moyenne de réussite à cet examen. Une décision que le syndicaliste qualifie d’«irréfléchie ». Pour lui, l’examen du bac est un diplôme d’accès à l’Université, par conséquent, dit-il, « l’élève doit avoir un niveau appréciable » . « Faire admettre des élèves à l’Université avec 9 de moyenne et deux trimestres d’études, c’est inadmissible, d’autant plus qu’ils ont été évalués sur deux trimestres avec plus de six mois de révision », s’est-il indigné. Il a ajouté : « Il aurait pu à la rigueur racheter des élèves entre 9 et 9,99 de moyenne avec des critères de rachat concrets, c’est-à-dire en regardant la moyenne des matières essentielles au bac ou la moyenne de l’année scolaire ». Le syndicaliste indépendant Nabil Ferguenis regrette que la décision de fixer la moyenne de réussite au bac à 9 de moyenne ne soit pas soumise au débat avec l’ensemble des acteurs du secteur de l’éducation. Pour lui, cette décision ne manquera pas de se répercuter sur la capacité d’accueil des futurs bacheliers mais aussi sur le niveau de classement de l’Université algérienne dans le classement mondial.
M. Meriane a souligné que cette décision risque de créer un problème à l’avenir et que les élèves vont en profiter pour réclamer d’être admis avec un 9 de moyenne lors des prochaines sessions. L’interlocuteur regrette le fait que le ministère n’ait pas consulté les syndicats qui auraient pu proposer le rachat avec des critères valables. « Ce qui est malheureux, c’est qu’il pourrait y avoir des élèves avec des 5 de moyenne pendant l’année scolaire et 9 au bac qui seront admis ! », a-t-il dénoncé. Les résultats des examens du baccalauréat seront annoncés « très bientôt, sitôt les délibérations achevées », a affirmé le ministre, ajoutant que les résultats de la première correction de l’examen du bac de cette session semblent meilleurs que ceux de l’année précédente.