Au Brésil, la démocratie attaquée par les « fascistes » bolsonaristes

Brasilia était plongée dans le chaos dimanche après l’invasion du palais présidentiel, de la Cour suprême et du Congrès par des centaines de partisans de l’ex-président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro, une semaine après l’investiture du président de gauche Lula.
Une véritable marée humaine de manifestants vêtus de jaune et vert a pris d’assaut et saccagé les principaux lieux de pouvoir du pays dans la capitale. Les forces de l’ordre ont été complètement débordées. Des images impressionnantes qui rappellent l’invasion du Capitole à Washington par des partisans de l’ex-président Donald Trump, en janvier 2021.
Au Brésil, chacun s’interroge : comment quelques milliers de manifestants désarmés ont-ils pu envahir si vite et si facilement les lieux les plus importants de la démocratie et surtout les mieux gardés du pays – le Congrès, le palais présidentiel du Planalto et le Tribunal suprême fédéral ?
Pire : comment ces partisans de Jair Bolsonaro ont-ils pu rester plusieurs heures à l’intérieur de ces bâtiments, démolissant tout sans être arrêtés ? « Ce qui est arrivé le 8 janvier n’est le fait ni d’un manque de moyens, ni d’une incompétence de la police : les forces de l’ordre brésiliennes, du carnaval aux matchs de foot, sont rodées à la gestion de foule », insiste Jacqueline Muniz, anthropologue à l’université fédérale Fluminense et spécialiste de sécurité publique.
Selon elle, « tout cela a été construit, prémédité, permis, autorisé, incité, et désiré par beaucoup au sommet de la hiérarchie policière ».
La police militaire est accusée de connivence avec les putschistes lors de la tentative d’insurrection.
Avec plus de 10 000 hommes, cette force militaire de Brasilia était parfaitement au courant des risques. Acquise à l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro, elle n’a rien fait pour empêcher la mise à sac des institutions.
Il a suffi de trois mots pour lancer l’appel au ralliement des pro-Bolsonaro sur les réseaux sociaux : Festa da Selma, « Fête de Selma ». Comme le relate le Washington Post à l’aide d’analyses de spécialistes, en plus des appels « classiques » au rassemblement (blocage de routes, de stations-services…), le mot d’ordre a été partagé ces dernières semaines sur les plateformes pour permettre aux partisans de l’ancien président d’extrême-droite qui contestent la victoire de Lula de se retrouver dimanche 8 janvier à Brasilia afin de s’attaquer aux lieux de pouvoir.
L’opération s’est finalement soldée par des dégâts considérables au palais présidentiel, au Congrès et à la Cour suprême, avec de nombreuses arrestations à la clé.
Le terme « Festa da Selma » n’a pas été choisi au hasard. Face aux restrictions mises en place par les réseaux, les organisateurs ont tout simplement changé une lettre à « selva » (« jungle » en portugais, terme parfois utilisé comme cri de guerre par les militaires brésiliens). Sur Facebook, Twitter, Instagram ou WhatsApp, ces trois mots ont permis de mobiliser sans être repéré par la modération.
VENHAM TODOS PARA A FESTA DA IRMÃ SELMA!!! EITA GLÓRIA!!!
A BABILÔNIA ESTÁ RUINDO!!!
SELVAAAAAAAAAAA!
??❤️???????NÓS SOMOS A RESISTÊNCIA! pic.twitter.com/qcJADSdh5o
— Alexandre?????????? (@Alexand59517985) January 7, 2023
Comme lors de l’assaut contre le Capitole aux Etats-Unis, les appels de ce genre se sont multiplié sur les plateformes quelques jours avant le rassemblement, d’après le Washington Post et des médias brésiliens.
Sur la messagerie cryptée Telegram, certains participants ont indiqué préparer la venue de « mille bus » dans le but d’amener « deux millions de personnes à Brasilia » depuis plusieurs États brésiliens vers la capitale fédérale, tout en indiquant la date ou les routes à suivre dans le cadre de « caravanes de la liberté ».
D’autres comptes ont encouragé à échanger des messages écrits à la main puis photographiés : « L’algorithme ne lit pas les messages écrits à la main ! » assure un de ces messages. Ces photos ont ensuite été largement relayées, passant d’une plateforme à l’autre.
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