Atermoiement politiques : Sellal reprend ses droits
Qu’est ce qui a pu bien provoquer l’empressement du Premier ministre Abdelmalek Sellal à vouloir venir en toute urgence dans un plateau de télévision publique pour expliquer ses choix sur le gaz de schiste ? Pourquoi a-t-il attendu si longtemps, jusqu’au risque de pourrissement de la situation, pour tenter de trouver la parade du dernier quart d’heure dans une émission encadrée par des journalistes « officiels » ?
Et pourquoi Sellal a pris l’option d’une émission publique d’au moins d’une heure, c’est-à-dire pour faire cavalier seul dans le commentaire et le discours, alors qu’une conférence de presse ouverte à tous les organes pourrait faire l’événement ? Comment expliquer que le Premier ministre boude les médias, notamment la télé publique, depuis les présidentielles et sa campagne électorale, alors qu’entre temps beaucoup de choses et de décisions se sont déroulées, beaucoup de projets dits et annoncés, beaucoup de problèmes et contentieux réglés ou solutionnés ? Qu’est ce qui a pu motiver Sellal à proposer sa personne sous les feux de la rampe en ces temps incertains ?
Ce sont autant de questions qui taraudent la classe politique, mais aussi les analystes. Ces derniers pensent que Sellal, en tant que Premier ministre, aurait commis l’erreur de minimiser les manifestations des populations et des membres de certaines associations des régions du Sud contre les opérations d’exploration et d’exploitation dans des puits pilotes à In Salah.
Il minimisa la portée, l’ampleur, mais surtout, il joua l’excès de confiance, confiant la mission de dissuader les contestataires d’abord aux chefs de daira, le wali de Tam, soit des commis de l’Etat, alors que tout le monde voyait que la question devrait être l’œuvre des politiques et non des technocrates.
Ce n’est qu’après cela qu’il instruit le ministre du secteur de l’Energie Yousfi à dialoguer avec les manifestants et à leur expliquer le projet du gouvernement. Or, Yousfi a eu le langage de la vérité, tout en défendant l’opération ; C’est à partir de là que les choses ont pris une autre tournure qui ont complètement emballé le Premier ministre et le font sortir de sa carapace.
C’est vrai que depuis le début, certains observateurs ne comprenaient pas le « refus » de Sellal de « descendre » dans cette wilaya du Sud, de prendre la température, de tenter de convaincre ou de justifier. En laissant échapper la maîtrise et l’action de ce dossier, au moins sur le plan média, Sellal s’est retrouvé apparemment dans une position de faiblesse…politique. Car, c’est sur ce point qu’il faut comprendre sa dernière sortie sur les écrans de l’ENTV en pleine Coupe d’Afrique et en plein Mondial du hand.
Alors qu’on sentait qu’il s’est renforcé avec l’histoire de remaniement qu’on susurre dans les salons algérois, voilà qu’il se fragilise par deux événements inattendus : Le premier est la mission surprenante du DG de la DGSN auprès de ces manifestants du Sud, le général Hamel, en tant qu’envoyé du président Bouteflika alors que le second reste cette « incroyable » décision du désormais controversé SG du FLN de faire un rapport à Bouteflika sur ce qui se passe dans cette région, en envoyant des émissaires dans cette wilaya et en mobilisant tout l’armada politique de son bureau national. C’est sans doute ces deux faits qui coïncident « étrangement » qui expliquent pourquoi le Premier ministre s’est senti dans l’obligation de sortir son artillerie.
Certains diront qu’il fut gêné que quelqu’un d’autre lui fait de l’ombre (Hamel pourrait devenir un homme de confiance à Bouteflika), alors qu’il fut une personnalité fidèle au chef de l’Etat depuis les fameuses élections présidentielles de 2004, tout comme qu’il pourrait mal digéré l’intrusion de Saâdani dans cette histoire de gaz de schiste. C’est vrai que ce dernier réclame ouvertement un gouvernement dirigé par son parti le FLN, et le fait à chaque occasion.
Or, la sortie de Sellal en toute urgence sur les écrans de la télé publique est de vouloir dire que c’est à moi qu’il faut se référer, que c’est moi encore le premier responsable du gouvernement. Pour beaucoup, Sellal voulait à travers cette « invitation » prouver que les discours des uns et des autres ne sont que des discours et que les polémiques surgies des bouches de Amar Saâdani, de Louiza Hanoune ou de Mokri ne sont que des « propos de politiques ».
Pour le Premier ministre, il faut d’abord que le message soit clair et vrai, une clarté envers la population et une vérité des experts et des scientifiques sur cette histoire du gaz de schiste. Reste à savoir si Sellal a pu convaincre, et s’il aura l’opportunité de dire la bonne nouvelle (le fameux moratoire sur l’exploitation) aux contestataires ou déléguera cette mission à Hamel ou à un autre médiateur.