Ammar Takdjout au Jeune Indépendant : «L’UGTA a besoin de militants engagés pour défendre les travailleurs»
Amar Takdjout, qui vient d’être élu à la tête de l’Union générale des travailleurs algériens, estime, dans cet entretien, que la Centrale syndicale a besoin d’une restructuration pour lui permettre de réadapter les outils de gestion aux nouvelles méthodes. Selon lui, l’UGTA a besoin aujourd’hui de vrais militants engagés pour défendre la cause des travailleurs, notamment leurs intérêts moraux.
Le Jeune Indépendant : Vous venez d’être élu à la tête de la Centrale syndicale. Est-ce que vous vous y attendiez ?
Ammar Takdjout : Quand on est congressiste, on vient avec l’objectif de participer à l’élection d’une direction. Un congrès est synonyme aussi de changement à travers lequel une nouvelle direction est élue afin d’apporter une refonte organisationnelle de cette organisation. Ils m’ont élu, et ce nouveau poste constitue une lourde charge à assumer.
On s’attend donc à une nouvelle gestion permettant une meilleure contribution de l’organisation pour le monde du travail ?
Tout congrès est organisé avec l’objectif d’apporter du changement, de réorganiser et de restructurer. Maintenant, le but est de réadapter les outils de gestion et d’organisation pour qu’on puisse travailler et avancer avec le temps et l’ère actuelle, avec tous les acquis et les nouvelles méthodes. On est obligés de suivre les nouvelles exigences et de travailler avec de nouvelles méthodes, avec une ligne de conduite et un projet de refondation de l’organisation.
Le 14e congrès extraordinaire de l’UGTA se veut un nouveau départ pour la Centrale syndicale, censée s’adapter à la nouvelle conjoncture et faire face aux nombreux défis qui l’attendent. Qu’est-ce qui est attendu réellement de cette rencontre ?
On est à la fin du congrès. Il y a certes eu des résolutions, des débats en plénière et d’autres en coulisses. La volonté de changer les méthodes de travail existe et c’est à nous de traduire tout ce qui a été dit et tout ce qui a été avancé comme changement sur le terrain.
Quel rôle jouera l’UGTA à l’avenir ?
L’UGTA doit d’abord se remettre sur les rails et reprendre les référentiels de l’organisation syndicale existants, notamment la référence de 1956 et celle adoptée à partir des années 1990 à ce jour.
Les fondamentaux entrent dans le cadre des objectifs assignés à la création de l’UGTA en 1956, à savoir la Révolution et l’indépendance de l’Algérie, et la décence des travailleurs et du pays. La section syndicale doit reprendre tous les points positifs et évacuer tout ce qui est négatif. Maintenant, cela dépendra de la volonté des uns et des autres. Les discours positifs sont bien mais ce qui est mieux, c’est d’avoir la volonté de traduire sérieusement sur le terrain notre programme et notre vision.
Quelle est justement la vision avec laquelle vous allez gérer l’UGTA ?
Je peux me considérer comme étant « vieux jeu », je suis dans le militantisme syndicale depuis plusieurs années. Quand on adhère à une organisation, cela signifie d’abord une appartenance pour pouvoir s’engager sérieusement pour une cause bien définie, celle de défendre les intérêts matériels des travailleurs. Il faut, par la suite, mettre en avant le militantisme avant tout autre considération, car il est incompatible avec les intérêts personnels.
Je dirais qu’aujourd’hui, l’UGTA a besoin de militants engagés pour défendre la cause des travailleurs. Nous avons un chantier à reprendre et à travailler. Il s’agit notamment de la défense des intérêts moraux, qui n’est pas aussi comprise par les travailleurs, car on a tendance à défendre uniquement l’intérêt matériel, or les intérêts moraux des travailleurs sont plus importants.
Personnellement, je trouve que ce n’est pas normal que les syndicats ne prennent pas en charge tous les problèmes liés aux pressions, au harcèlement et à l’environnement du travail. La santé mentale des travailleurs est très importante et c’est dommage qu’elle ne soit pas prise en charge par les syndicats. Comment parvenir à expliquer que nous avons une mission, celle de préserver la santé mentale des travailleurs.
Comptez-vous soutenir davantage l’action syndicale dans le secteur privé, dont les travailleurs se trouvent confrontés à plusieurs difficultés dues à la non-reconnaissance du travail syndical au sein de certaines entreprises ?
Effectivement, de mon point de vue, nous devrions respecter les lois de la République. La syndicalisation n’est pas un problème de public ou privé, car les lois sont faites pour être respectées, et le privé doit aussi s’exécuter. La loi est opposable et imposable à tous. Les responsables du secteur privé doivent savoir qu’organiser les travailleurs, ce n’est ni un problème ni une tare, mais plutôt une question d’organisation de la société.
Je dirais sur ce point qu’on ne peut pas parler de décence de la souveraineté nationale sans que les travailleurs ne soient organisés dans leur globalité. On ne peut pas organiser les travailleurs du secteur public et dire que ceux du secteur privé n’ont pas le droit de s’organiser. Ils sont une partie intégrante de la société.
Qu’en est-il du rôle de la femme au sein de l’activité syndicale… ?
Nous sommes encore très loin parce qu’on n’arrive toujours pas à admettre que les femmes ont les capacités d’exercer leur droit syndical au même titre que l’homme. C’est malheureusement ancré dans notre culture. C’est un travail de pédagogie syndicale qu’il faut engager. Il s’agit aussi d’un travail de pédagogie sociétal, car il faut admettre que la femme est une partie intégrante de la société. Je dirai que la place de la femme est très importante.
Un dernier mot…
On a du travail qui nous attend et la porte est ouverte au dialogue et à l’échange d’idées. Je suis un homme de dialogue et de concertation, et la porte est ouverte pour ceux qui veulent travailler et s’engager.