Amine Boutalbi au Jeune Indépendant : «Les pays arabes cherchent des opportunités d’investissement»

L’Algérie va abriter le Sommet arabe demain et après-demain. En sus de l’objectif principal, qui est d’unifier les rangs arabes, la coopération économique devrait être aussi à l’ordre du jour. Avec un marché de 300 millions de consommateurs, la région a tout intérêt à renforcer sa coopération économique. L’urgence étant surtout de promouvoir une transformation économique inclusive.
Le directeur général du Centre arabo-africain d’investissement et de développement (CAAID), Amine Boutalbi, fait un état des lieux de la coopération économique entre ces pays, évoquent les défis et opportunités qui s’ouvrent à eux et fait le bilan de la GZALE, instaurée en 1997.
Le Jeune Indépendant : Quel est l’état de la coopération économique entre les pays arabes, notamment en termes d’échanges commerciaux ?
Amine Boutalbi : Avant la coopération économique entre les pays arabes, la priorité c’est la création de la majorité des fonds et des banques de développement, qui a coïncidé avec le quadruplement du prix du pétrole, une modification des rapports de puissance économique entre les différents groupes de pays et la formulation du principe d’un nouvel ordre économique international.
L’augmentation considérable du nombre d’intermédiaires arabes est aussi attribuable au désir qu’ont les pays exportateurs de pétrole d’exercer davantage d’influence sur l’emploi de leurs capitaux qu’ils ne pourraient le faire dans le cadre des mécanismes d’aide au développement établis de longue date. Ces pays ont aussi l’intention de participer à divers groupements régionaux et fonctionnels, destinés à assurer une intégration économique plus étroite de la région arabe, à renforcer la solidarité entre pays en développement et à instaurer un nouveau système de relations avec le reste du monde.
Les pays arabes sont très désireux de renforcer leur coopération entre eux et cherchent à développer de nouvelles opportunités d’investissement. Ils ont subi, pour la majorité, l’influence du courant de libre-échange et se sont engagés pour la signature de plusieurs accords commerciaux. Pour en revenir aux dispositions de la convention, ces dernières prévoient l’établissement d’une Zone arabe de libre-échange entre les parties contractantes. Son objectif est de relancer le processus de l’intégration économique arabe. Par exemple, les produits originaires de cette zone peuvent être échangés sous un régime tarifaire préférentiel entre notre pays et les pays arabes, à l’exception, bien sûr, des produits exclus des avantages fiscaux. Il y a aussi les produits originaires des pays arabes qui ne sont pas exclus de la Zone arabe de libre-échange, qu’ils soient importés en Algérie ou exportés de l’Algérie vers un pays arabe.
Ces produits bénéficient d’une exonération totale des droits de douane et des droits et taxes d’effet équivalent. En outre, la libéralisation des échanges commerciaux n’a toutefois concerné que les produits manufacturés, le commerce de produits agricoles étant lié à un calendrier qui protège les agriculteurs locaux lors des périodes de récolte.
Selon vous, comment peut-on développer la coopération économique entre ces pays, laquelle est loin du potentiel existant ?
Ce sont des défis avec de nombreuses nouvelles opportunités qui s’ouvrent. Reste à savoir que des préférences commerciales ouvrent un marché de près de 300 millions de consommateurs aux produits de ces pays. En effet, les accords prévoient une franchise totale pour les produits industriels, à l’exception des produits pétroliers raffinés et de certains textiles qui sont presque les seuls produits manufacturés exportés par les pays arabes. De ce fait, une politique d’importation de textiles de plus en plus stricte a été mise en place par la CEE, qui tend à limiter très fortement les possibilités de développement des productions des pays méditerranéens destinées à l’exportation. Et ce sont précisément ceux qui n’exportent pas de pétrole, donc les plus démunis, qui se trouvent frappés, à savoir le Maroc, la Tunisie et l’Egypte.
Les conditions ne sont pas plus favorables dans le secteur agricole en raison des difficultés que connaissent les productions méditerranéennes de la communauté (fruits et légumes, agrumes, huile d’olive). Les concessions tarifaires sont déjà très restreintes, toujours partielles pour les produits importants et souvent assorties de conditions particulières. Ensuite, les accords de coopération conclus en 1976 prévoient une contribution financière de la communauté au développement économique des sept pays arabes concernés. Le total de cette première aide est de 639 millions d’écus, répartis entre les sept bénéficiaires.
Ce montant est notoirement insuffisant compte tenu des besoins énormes de ces pays. Quel en est alors l’intérêt ? En valeur absolue, ces sommes ne couvrent qu’une faible part des projets financés, d’autant qu’une partie est accordée sous forme de prêts remboursables et qu’une proportion importante des dons est consacrée à la bonification des taux d’intérêt des prêts. Cependant, la présence de la communauté, partie prenante dans les contrats de financement, a un effet d’entraînement sur les autres bailleurs de fonds qui ont confiance dans le sérieux de ses interventions. Cette présence constitue une sorte de caution morale.
Opérationnelle depuis janvier 2009, quel bilan peut-on faire de la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE) qui regroupe 19 pays ?
Faisons un petit rappel. En février 1997, ces pays ont instauré la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE). L’objectif de cette convention était de relancer le processus de l’intégration économique arabe pour mieux s’insérer dans l’économie mondiale. L’Algérie est devenue un pays membre de la GZALE en janvier 2009. L’objectif initial de cette adhésion était de renforcer son partenariat économique avec les autres pays membres et encourager les exportations vers cette zone. Pour l’année 2020, les échanges avec les pays de l’Accord de la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE) ont enregistré une baisse de 9,6 % en 2020 par rapport à l’année 2019, passant de 1,3 Mrd USD à 1,2 Mrd USD.
L’accord portant Zlecaf, entré en vigueur en janvier 2021, prévoit la suppression des droits de douane pour 90 % des lignes tarifaires, sur 5 ans pour les pays les plus développés et sur 10 ans pour les pays les moins développés. Une enquête réalisée par la Banque mondiale montre qu’en 2020, il existe d’importantes disparités d’intégration entre les zones : Mercours entre 14,7 et 16,4 %, Cédéao entre 8,7 et 11,5 %, Comesa entre 5,7 et 5,9 % et la CEA entre 3,7 et 5,9 %. Certes, pour l’Afrique, avec plus d’un milliard de consommateurs et un PIB combiné d’environ 3 000 milliards de dollars américains, la nouvelle Zone de libre-échange continentale crée le deuxième plus vaste marché mondial derrière le Partenariat régional en Asie et dans le Pacifique. Mais il reste un long parcours à faire, le commerce intra-africain en 2020 représentant environ 15,2 %, selon la Cnuced.
Pour l’Algérie, la balance commerciale avec la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE), qui regroupe actuellement 19 pays, à savoir l’Algérie (membre depuis 2009), l’Arabie saoudite, le Bahreïn, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, Oman, la Palestine, le Soudan, la Syrie, la Tunisie, le Qatar et le Yémen, a accusé un déficit qui a suivi la tendance générale, d’autant plus que certains pays sont des concurrents de l’Algérie en pétrole et en gaz, qui subissent les effets de la crise pétrolière, et où les firmes multinationales sont bien implantées. Ainsi, l’Algérie enregistre 71,7 % des exportations hors hydrocarbures vers la GZALE, dont la Tunisie (32 %), le Maroc (18,3 %), le Liban (11 %) et la Syrie (10 %).
On compte parmi les pays de la Zone arabe plusieurs pays disposant de fonds importants. Paradoxalement, ces fonds ne sont pas investis, par exemple, sous forme d’IDE dans le développement des pays arabes. Quelle en est la raison selon vous ?
Le taux de chômage des jeunes dans le monde arabe a atteint une moyenne préoccupante de plus de 27,3 %. Pour les jeunes femmes, le taux de chômage moyen est de 41,1 % et leur participation au marché du travail est déjà beaucoup plus faible que partout ailleurs dans le monde. Ces fonds de certains pays arabes devraient d’abord être destinés à cette population, importante et dynamique, de jeunes, qui peut représenter un atout si la question du chômage est prise en charge.
Ajoutons à cela le fait que le monde arabe devra créer plusieurs milliers d’emplois par an jusqu’en 2030 pour maintenir le chômage actuel à des niveaux constants. Si la croissance économique a été forte dans le monde arabe, l’urgence de promouvoir une transformation économique inclusive se pose désormais. Les ressources peuvent également servir à promouvoir des programmes innovants, fondés sur des données probantes qui soutiennent spécifiquement les microentreprises et PME dirigées par des jeunes et des femmes.
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