Ait-Ahmed, l’homme de Zeddine

Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad, Krim Belkacem, Mostefa Benboulaïd, Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf, Rabah Bitat, Ahmed Benbella et Hocine Aït Ahmed : tous les « fils de la Toussaint » sont morts. Il ne reste plus que la mémoire que Ben M’hidi appelait de ses vœux avant d’être exécuté par le sanguinaire colonel Bigeard.
Hocine Aït Ahmed, plus que nul autre depuis 1962, a personnifié l’ambition entêtée de réaliser le projet social qu’il avait conçu et l’opposition tenace nourrie par une connaissance « historique » des sensibilités nationales.
Il est l’homme du rapport de Zeddine : c’est dans ce document que se révèlent le futur fils du 1er Novembre 1954 et le politicien déterminé et tenace d’après-indépendance. Le Comité central élargi du PPA-MTLD de Zeddine -aujourd’hui dans la wilaya de Aïn Defla- en décembre 1948, succède à une vague d’hostilité anti-Kabyle et à des efforts rampants de la direction du parti de Messali Hadj d’escamoter la berbérité de l’Algérie en faisant remonter la naissance de la nation aux conquêtes arabes.
Ce rapport est d’une rare cohérence. Il est aussi considérablement documenté : il fait référence à tous les mouvements insurrectionnels algériens depuis l’antiquité (Jugurtha, Takfarinas, Abdelkader, El-Mokrani, etc.), à la Commune de Paris, à la révolution bolchévique, aux guerres patriotiques en Europe (Irlande, Yougoslavie, Grèce).
Le chef de l’OS, âgé alors de 22 ans, soutient que « la lutte de libération sera une vraie guerre révolutionnaire ».
« L’élargissement des assises sociales, du patriotisme révolutionnaire est une réalité nationale à laquelle doivent correspondre un élargissement et un approfondissement dans les horizons théoriques et organisationnels. L’ascension de la révolution est à ce prix», fait observer le jeune militant nationaliste dans ce rapport.
Il fait de la nomination des élites révolutionnaires par voie démocratique une condition incontournable pour la réussite de la lutte armée.
« Le problème des hommes constitue un goulot d’étranglement, « un bouchon de route » sur la voie de la libération. Le renouvellement et le renforcement des cadres ne doivent pas se faire d’une façon bureaucratique par le grand sommet ou les petits sommets. Ils doivent être conçus d’une façon ouverte et démocratique afin de donner à nos structures des élites révolutionnaires, porteuses de la dialectique révolutionnaire.», souligne-t-il.
Le jeune homme explique qu’il n’est pas question d’un soulèvement similaire à celui de 1871 lancé par Cheikh El Mokrani : les conséquences seraient trop funestes pour la population et, de toute façon, ce serait parfaitement inutile.
Sans jamais faire aucune référence religieuse ou linguistique, il montre clairement la voie à suivre pour le déclenchement d’une guerre révolutionnaire algérienne contre le colonialisme en se basant sur le fait que « les idées d’indépendance, de révolution et de démocratie forment la trame de l’opinion populaire « .
Il demande à la direction du parti de penser moins à construire des mosquées et des medersas qu’à investir en vue du soutien par la Ligue arabe dont les déclarations, à l’époque, étaient favorables au mouvement national.
Ce rapport, en opposition radicale avec l’idéologie de la Ligue arabe et du Comité de Libération du Maghreb, est adopté à l’unanimité moins deux voix. Parmi les voix manquantes, celle de Messali Hadj qui s’est abstenu.
Les événements se précipitent : la fédération de France du parti messaliste adopte une motion à la majorité (28 membres sur 32) : rejet de l’Algérie arabe et musulmane au profit d’une Algérie algérienne.
La direction du parti réagit par la dissolution de la Fédération de France et en excluant certains membres « radicaux ».
Ce sont là les prémices de la « crise berbériste » de 1949 et des malentendus qui vont perdurer jusqu’à aujourd’hui.
Le rapport de Zeddine constitue l’un des documents fondateurs de la Révolution algérienne et le premier grand texte théorique de la lutte de libération.
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