Agressions contre les officines et les pharmaciens : Cap sur un nouveau projet de loi

Les agressions, sous toutes leurs formes, à l’égard des pharmaciens sont presque quotidiennes. Le Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine (SNAPO) a tiré la sonnette d’alarme après avoir enregistré plusieurs assassinats dans différentes wilayas. Les auteurs viennent s’approvisionner en comprimés psychotropes, sans ordonnance, alors que la loi est claire.
En matière de réglementation, le syndicat est optimiste. Un nouveau projet de loi sera élaboré pour protéger les officines et instaurer des sentences sévères aux agresseurs, a indiqué Messaoud Bélambri, président du SNAPO, au Jeune Indépendant.
Lorsqu’on évoque les pharmaciens, on pense instantanément aux médicaments, à leur rareté et aux « magouilles » qui seraient à l’origine du dysfonctionnement dans la distribution des produits pharmaceutiques. On oublie souvent de mentionner ou même de s’arrêter sur les multiples pressions qu’ils subissent et les agressions physiques devenues récurrentes auxquelles ils doivent faire face. De multiples agressions et actes de violence à l’encontre des pharmaciens ont été enregistrés, surtout au cours de ces dernières années, à l’image de la pharmacie incendiée à Tébessa, au mois de mai dernier, par un jeune individu venu s’approvisionner en psychotropes dans cette pharmacie. La propriétaire ayant refusé de lui en donner, le jeune drogué a incendié la pharmacie, ce qui a causé à la responsable de l’officine des blessures importantes au niveau des jambes.
Un autre cas similaire a été constaté l’année dernière à Oum El-Bouaghi. Cette fois, l’agresseur était en possession d’une arme blanche.
Devant cette recrudescence de violence à l’égard des officines, le SNAPO avait observé un mouvement de protestation dans la ville de Aïn Kercha (Oum El-Bouaghi) pour dénoncer « les violences et les agressions que subissent les pharmaciens dans l’exercice de leurs fonctions », a-t-on appris auprès d’un responsable syndical.
Le président du Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine, Messaoud Bélambri, a précisé : « Les agressions, sous différentes formes, contre les pharmaciens sont pratiquement quotidiennes. Il y a les menaces verbales ou avec armes blanches, les insultes, voire les intrusions de force. Les agresseurs saccagent carrément les vitrines et même les voitures des pharmaciens, comme ce fut le cas à Alger l’année dernière. Un pharmacien, qui était de garde la nuit, a refusé de servir des psychotropes sans ordonnance à un jeune homme. Ce dernier a saccagé la pharmacie avant de prendre la fuite. »
Le premier responsable du SNAPO a révélé qu’il y a eu deux assassinats, à Mascara et à Oum El-Bouaghi. A Mascara, les agresseurs ont tué le père d’une pharmacienne, alors que dans la commune de Aïn Fakroun, dans la wilaya d’Oum El-Bouaghi, les dealers ont ôté la vie au mari d’une pharmacienne.
Il a poursuivi : « Il y a quelques années, à Batna, des agresseurs en manque de psychotropes sont passés derrière le comptoir, et comme la maison du pharmacien se trouve derrière la pharmacie, les assaillants ont pénétré dans le domicile et poignardé la mère du pharmacien. »
« Les agressions sont quotidiennes. Ces jours-ci, une pharmacienne a été victime, à Souk Ahras, d’un cas de harcèlement avec arme blanche. Cette dernière a été persécutée par un délinquant qui venait chaque jour l’attendre devant la pharmacie pour lui faire peur », a ajouté Messaoud Bélambri.
Il a fait savoir que l’année dernière, un employé d’une pharmacie avait été poignardé à Mila. Il a failli mourir après avoir effectué une opération délicate. Quatre semaines plus tard, le même agresseur est revenu le menacer à plusieurs reprises.
Selon Le président du SNAPO, même si les agresseurs sont arrêtés, les peines prévues par la justice ne sont pas sévères. « Nous souhaitons plus de rigueur et que la loi soit renforcée contre ce genre d’agression, tout en sachant que les auteurs, très agressifs, viennent armés », a-t-il expliqué.
Le même responsable a indiqué que les pharmaciens refusent les ordonnances de complaisance car ils sont punis par la loi. « La loi 04-18 interdit aux pharmaciens de donner des psychotropes à tout le monde. Nous identifions nos malades de manière très rigoureuse, en veillant à ce qu’ils ne prennent pas de quantités en plus. La consommation de psychotropes diminue. Le protocole thérapeutique dicte que les doses de psychotropes diminuent au fil des années », a-t-il indiqué. Selon lui, c’est une question de santé mentale.
Le syndicaliste a mis en avant les efforts fournis par le syndicat pour sensibiliser les professionnels de la santé au respect de la réglementation, et ce à travers l’organisation de séminaires, en coordination avec le ministère de la Justice et d’autres médecins.
« Nous luttons contre la toxicomanie. Les médicaments sont destinés aux vrais malades », a-t-il insisté.
S’agissant de la réglementation, M. Bélambri a exprimé son optimisme : « La loi 04-18 est programmée au niveau de l’APN. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux a annoncé qu’un nouveau projet va être élaboré, dans lequel des mesures de protection des pharmaciens seront intégrées et les sentences à l’égard des agresseurs seront plus sévères », a-t-il conclu.
Inclure un article qui sanctionne sévèrement les agresseurs
Pour sa part, le vice-président du SNAPO, le Dr Karim Merghemi, a indiqué : « Ces derniers temps, la violence à l’égard des pharmaciens a connu une recrudescence importante. Généralement, les agresseurs sont des personnes sous l’emprise de drogue ou de produits psychotropes, en manque pour leur propre consommation ou pour la revente. »
« Aujourd’hui, vu que la dispensation de ces produits est devenue sévère, le pharmacien est plus regardant sur la conformité de l’ordonnance. Il exige déjà une ordonnance conforme à la réglementation, selon le décret 19-379 relatif au contrôle administratif, technique et sécuritaire des produits ayant des propriétés psychotropes, paru le 31 décembre 2019, qui oblige le médecin à prescrire ces psychotropes sur des ordonnances en trois couleurs, la blanche, la jaune et la rose. Ces ordonnances à trois couleurs empêchent les drogués de les falsifier. C’est pour permettre aux vrais malades d’accéder aux médicaments », a-t-il expliqué. « Vu le nombre de drogués, qui augmente chaque jour, la demande a également augmenté. Donc, en cas de refus ou d’indisponibilité du produit, le drogué a recours aux menaces, aux agressions verbales et aux agressions avec arme blanche, comme ce fut le cas à Tébessa et à Oum El-Bouaghi, où les officines ont été victimes d’agressions violentes avec armes blanches », a-t-il ajouté.
En matière de réglementation, le syndicaliste a fait savoir qu’il y a un vide juridique concernant les agressions contre les pharmaciens. « Actuellement, dans le but de protéger les pharmaciens, le SNAPO travaille avec le ministère de la Justice sur la révision de la loi 04-18 portant sur les psychotropes, et ce en incluant un article qui sanctionne tous les agresseurs qui brutalisent les pharmaciens », a-t-il précisé.
Le Dr Merghemi a expliqué que l’emplacement des officines dans les zones enclavées et les cités populaires a favorisé les agressions. « Les pharmaciennes étaient les cibles faciles des assaillants », a-t-il souligné. Le même responsable a affirmé : « Plusieurs pharmacies ont fait l’objet de saccage. »
Le SNAPO s’indigne
Le syndicaliste a cité plusieurs cas d’agression enregistrés par le SNAPO durant l’année en cours, notamment celui perpétré à l’encontre d’une pharmacienne, brûlée par un délinquant avec de l’essence dans la commune d’El-Ouanza, dans la wilaya de Tébessa. Elle a été sauvée de justesse par les unités de la Protection civile. « Cette pharmacienne a failli être brûlée vive au sein même de la pharmacie par un délinquant qui y a allumé le feu. Les pharmaciens sont choqués par cet acte odieux, d’autant que son auteur est toujours recherché car en fuite », a poursuivi le syndicaliste.
Il convient de noter que le SNAPO a exprimé, dans un communiqué, toute sa solidarité avec cette pharmacienne, affirmant son intention de lui venir en aide sur tous les plans pour qu’elle retrouve la quiétude et les capacités morales et physiques afin de continuer à exercer et à revenir à une vie normale, d’autant que l’incendie lui a causé des dommages corporels au niveau des membres inférieurs, sans compter un traumatisme moral et psychologique irréversible.
Pour le SNAPO, ce grave incident porte atteinte à toute la profession et à tous les pharmaciens. Il vient rappeler la triste réalité dans laquelle exercent les pharmaciens d’officine. Ces agressions quotidiennes, de différents degrés, qui vont du verbal jusqu’à l’assassinat, en passant par les agressions physiques et à l’arme blanche, ainsi que la destruction des biens et des aménagements ne doivent plus bénéficier de l’impunité ni de la passivité que nous constatons avec regret et amertume, a réclamé le syndicat.
« Le 21 septembre 2022, on a enregistré une autre agression à l’encontre d’une pharmacienne, à Souk Ahras, qui avait refusé de donner des psychotropes au jeune agresseur. Suite à cet incident, le SNAPO a décidé d’organiser un rassemblement devant la pharmacie en question pour dénoncer la situation à laquelle les pharmaciens d’officine sont confrontés et rassurer la victime », a-t-il affirmé. Le sit-in a été annulé. Le SNAPO a laissé aux autorités concernées le soin de régler la situation de cette pharmacienne, sachant que le délinquant est connu par les services de sécurité. « Avant, les violences à l’égard des pharmaciennes étaient perpétrées pendant la nuit. Aujourd’hui, les agressions se font en plein jour », a-t-il relevé.
A Dar El-Beida, une pharmacienne a confié au Jeune Indépendant qu’en 2010, la pharmacie où elle travaillait avait été dévalisée par des voyous vers 2 h. « Les auteurs ont pris des psychotropes, notamment Kietyl et Lerica ». Selon elle, une autre bande de malfaiteurs avait essayé de cambrioler la pharmacie vers 14 h et d’incendier le local. « Leur tentative a échoué à cause de l’alarme, qui s’est déclenchée et a fait peur aux voleurs », a-t-elle ajouté.
Le Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine affiche de plus en plus son inquiétude vis-à-vis des agressions contre les pharmaciens à cause des psychotropes. D’ailleurs, après l’incident de Tébessa, où une pharmacienne a été agressée, une autre agression a eu lieu, cette fois-ci à Oum El-Bouaghi.
« Un délinquant voulant obtenir du Bromazepam sans ordonnance était revenu trois fois au cours de la journée de mardi 1er juin, avec un ton menaçant et particulièrement agressif, à une officine à Aïn Kercha. La quatrième fois, il est carrément passé à l’acte, après les menaces et les insultes, en assénant plusieurs coups de poing au visage de l’employé. Après avoir accompli son forfait, il est sorti en menaçant de revenir pour brûler la voiture de l’employé et la pharmacie », a rapporté le SNAPO.
Suite à cette agression, le syndicat a organisé un sit-in devant la pharmacie en question, au cours duquel le président, Messaoud Bélambri, a souligné l’importance de cette protestation symbolique « en guise de défense de notre dignité et de l’honneur de la profession ». M. Bélambri a également lancé un appel de détresse aux plus hautes autorités de l’Etat pour durcir les peines des agresseurs et renforcer la législation afin que justice soit rendue et que la loi protège les pharmaciens.
Le phénomène sévit toujours. En attendant le projet de loi portant sur la protection des pharmaciens d’officine, la situation connaîtra peut-être un dénouement. L’avenir nous le dira.
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