Abderrahmane MEBTOUL : « Sans une croissance forte, risque de tensions sur les caisses de retraite »

Durant cette rentrée sociale, l’on ne doit pas oublier les retraités qui en 2021 le nombre a dépassé les 3,3 millions et selon les responsables du ministère du travail, l’ Algérie compte plus de 130 000 nouveaux retraités chaque année accentuant l’important déficit des caisses de retraite, et une grande fraction des retraités connaissant des difficultés pour subvenir à ses besoins. Sur les 3,3 millions de retraités combien touchent-ils 20.000 dinars et moins par mois soit environ 150 euros/mois au cours officiel et 100 euros au cours du marché parallèle? Selon les données internationales, pour l’Algérie avec la non application de réformes à moyen et à long terme, le déficit des caisses de retraite a été de 560 milliards de dinars en 2018, 680 en 2020, aurait atteint 800 milliards de dinars en 2021 et se creusera avec une moyenne annuelle de 2,5% voire 3% tout au long de la prochaine décennie.
Le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, la CNR enregistrant un taux de cotisation estimé à 2,2 travailleurs alors que pour chaque retraité l’équilibre est de cinq travailleurs pour un retraité. Ainsi, pour assurer le paiement des pensions des retraités, il est prévue une contribution de l’État, au Fonds de réserve pour les retraites, pas moins de 6392 milliards de centimes, ce qui est inscrit dans la loi de finances 2022, ce montant étant défini comme « un budget supplémentaire », que le gouvernement prélève chaque année sur la taxe pétrolière pour contrer le déficit de la caisse de retraite ». En cas de chute du cours des hydrocarbures le risque est l’implosion.
1.-Avec la pression démographique souvent oubliée, la population algérienne est passée de 11.479.248 habitants en 1962 à 14.265.015 en 1970, à 18.936.293 en 1980, à 25.436.214 en 1990, à 30.833.966 en 2000, à 35.658.311 en 2010 et à 45.4 au 01 janvier 2022 et dépassera 50 millions horizon 2030, il faudra entre 2022-2025 créer plus de 350.000-400.000 emplois par an (le taux d’emploi féminin étant sous-estimé).
Cela s’ajoute au taux de chômage actuel qui selon le FMI incluant les emplois de la sphère informelle et les emplois rente, faire et refaire les trottoirs, les sureffectifs dans les entreprises publiques, administrations, devrait atteindre 14,5% en 2021 et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés. Au 14 juillet 2022, le nombre de bénéficiaires de demandeurs inscrits sur les site Minha Anem.Dz avoisine les 2 millions. parmi lesquels plus d’un million et demi de dossiers ont été acceptés, avec une population active de 12,5 millions donnant un taux de chômage provisoire de 16%. Pour atténuer les tensions sociales, il faudrait selon les institutions internationales pendant plus de 5 ans un taux de croissance en termes réels entre 7-8%. Nous avons assisté à une baisse du taux de croissance du PIB à prix courant, qui a été en 2019 de 0,8%, en 2020, négatif entre 5/ 6% paradoxe,, le FMI estimant pour 2021 à 2,9% en 2021, données qui doivent .
être replacé dans sa véritable dimension. Outre la véracité des données, du fait de l’effritement du système d’information souligné d’ailleurs par le président de la République, rendant aléatoire toute stratégie d’adaptation et donc toute planification stratégique, sachant que la majorité de l’appareil économique est en berne, fonctionnant à peine à 50% de ses capacités, avec des licenciements massifs notamment dans les services et le BTPH qui représentent plus de 50% des emplois, le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente. Avec un taux de croissance négatif d’environ 5/6% en 2020, cela donne en 2021 un taux variant entre 0 et 1%, inférieur à la pression démographique.
Les données du ministère du Commerce d’un montant d’exportations hors hydrocarbures pour 2021 d’environ 4 milliards de dollars doivent être éclatées, 70% étant des dérivés d’hydrocarbures et des produits semi-finis donnant pour les biens nobles conforme aux normes internationales coût/qualité, un montant d’environ 600 millions de dollars.
Le taux d’emploi, et c’est une loi universelle, est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité, variant de branches à branches, depuis des décennies provient des recettes en devises proviennent des hydrocarbures (97/98%), le taux d’intégration, entreprises publiques/privées ne dépassant pas 15% avec les effets indirects via la dépense publique, irriguant tout le corps économique et social. Les expériences historiques dans le monde concernant l’alimentation des caisses de retraite montrent qu’il y a le système de répartition et le système de participation à travers les sociétés d’assurance, souvent combinées. En Algérie domine le système de répartition, deux caisses de retraites existent, l’une pour les personnes nommées par décret pendant 10 ans bénéficiant d’une retraite à 100% et l’autre majoritaire, plus de 80% bénéficiant d’une retraite à 80%.
Dans le système en vigueur, toute personne ayant cumulé 32 années d’activité peut, si elle en fait la demande, partir à la retraite sans attendre l’âge de départ légal de 60 ans, encore que l’ex-ministère du Travail avait annoncé fin décembre 2020 qu’il n’est plus question d’autoriser les retraites anticipées, le déficit de la Caisse nationale des retraites pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021. Or, la population active dépasse les 12,5 millions avec une sphère informelle représentant entre 45/50% de l’emploi, non soumise aux cotisations, n’étant pas affiliée à la Caisse de sécurité sociale et par ricochet ne payant pas d’impôts, servant de soupapes sociales.
L’efficacité de la caisse d’allocation chômage suppose que l’on ait un système d’information fiable de la sphère informelle dominant entre 40/45% de l’emploi total (qui est donc chômeur et qui l’est pas) et de l’activité économique et contrôlant selon les données contradictoires officielles entre 33/45% de la masse monétaire en circulation, renvoyant toujours au système d’information biaisé.
Pour éviter les effets pervers de promesses que l’on ne pourra pas tenir, la solution est dans la dynamisation du tissu productif, la lutte contre l’évasion fiscale, l’unification des caisses de retraite pour un sacrifice partagé et une nouvelle politique les subventions qui doivent être ciblées. Or, toutes les lois de finances depuis de longues décennies continuent une politique de subventions généralisées source d’injustice sociale, celui qui perçoit 30 000 dinars/mois bénéficiant des mêmes subventions que celui dont le revenu dépasse 200.000 dinars par mois, devant aller, comme je le préconise depuis 2008, vers les subventions ciblées devant être budgétisées par le Parlement. Car, le fort taux d’inflation influe sur le pouvoir d’achat.
Selon les données officielles, l’inflation cumulée, l’indice actuel devant être revu, non réactualisé depuis les années, le besoin étant historiquement daté, a dépassé les 100% entre 2000-2021 avec une concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière.
Fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre, l’inflation et c’est une loi universelle jouant comme facteur de concentration au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes.
L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficiente comme intermédiation sociale.
2.-Pour alimenter la caisse allocation chômage, l’Algérie possède encore quelques marges de manœuvres, avec une dette publique totale par rapport au PIB de 63,3% EN 2021, contre 53,1% en 2020, et que la dette publique nette totale représente 60,5% en 2021, contre 50,4% en 2020 et une dette extérieure inférieure relativement faible 3,6% et 5,2% du PIB en 2021 et 2022, contre 2,3% en 2020.
Comme conséquence. Les tensions sociales sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal ciblées et mal gérées.
L’Algérie selon le FMI continue de bénéficier d’une marge de mouvement positive, la dette extérieure restant modeste. Mais il faut être réaliste, vu le faible taux de croissance, l’augmentation du chômage et la baisse des réserves de change qui ont clôturé fin 2021 à 44 milliards de dollars contre 194 milliards fin 2013, malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l’appareil de production et accentué l’inflation (un exemple l’augmentation de plus de 100% des voitures d’occasion et des pièces détachées) menace la pérennité des caisses de retraite.
Toute nation ne peut distribuer que ce qu’elle a préalablement produit, le populisme pouvant conduire à un processus inflationniste incontrôlable sans création de valeur et donc, à la dérive économique et sociale avec des incidences sécuritaires et donc attention aux effets de l’émission monétaire sans contreparties productives (planche à billets prévoyant pour 2021 environ 2100 milliards de dinars).
D’où l’importance d’un nouveau modèle de croissance créant de la valeur, fonction d’une nouvelle gouvernance, dont les sous-segments sont une nouvelle politique de l’emploi, l’actuelle privilégiant les salaires-rente avec le nivellement par le bas, décourageant les énergies créatrices (audit réalisé sous ma direction pour la présidence de la République 2008, 5 volumes 680 pages sous le titre pression démographique et nouvelle politique de l’emploi dont les recommandations n’ont pas été appliquées).
Premièrement, en ce qui concerne l’emploi, la politique passée et actuelle a été de préférer la distribution de revenus (salaires versés sans contreparties productives) à l’emploi, c’est-à-dire contribuant implicitement à favoriser le chômage. Aussi, il s’agit de modifier les pratiques collectives et réduire les à-coups sur l’emploi en accroissant la flexibilité des revenus et des temps de travail par une formation permanente pour permettre l’adaptation aux nouvelles techniques et organisations.
Deuxièmement, ce n’est pas un changement d’assiette des prélèvements qui résoudra les problèmes, mais dans la maîtrise de la dépense aussi bien la dépense globale que la dépense remboursée, car dans cette sphère spécifique, celui qui consomme n’est pas nécessairement celui qui finance, et cela n’est pas neutre pour l’activité productive. L’ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB).
Troisièmement, cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier restriction aveugle afin de permettre de couvrir les besoins des plus démunis, renvoyant à la rénovation du système fiscal, le niveau de l’impôt direct dans une société mesurant le degré d’adhésion de la population car le système d’impôt est au cœur même de l’équité. Mais l’impôt pouvant tuer l’impôt modifiant l’allocation des ressources réalisée, notamment l’offre de capital et de travail ainsi que la demande de biens et services. Un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l’optimum économique et s’articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges. En attendant qu’une économie productive se mette en place, je propose quelques recommandations, permettant une meilleure efficacité économique et reposant sur plus de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme, supposant une mutation de l’Etat
providence : Premièrement, la lutte contre la corruption , où l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2021 publié mardi 25 janvier 2022 par Transparenty International qui classe 180 pays et territoires selon le niveau de corruption perçu dans le secteur public, sur une échelle qui va de 0 (fortement corrompu) à 100 (faiblement corrompu , l’Algérie occupe la 117ème place sur 180 pays ayant reculé de 13 places avec un score de 33 sur 100 contre 36 sur 100 dans le classement de 2020 dans lequel elle a été classée et 104ème place et 106ème en 2019.
Deuxièmement, comme je l’ai proposé en 2008,, entre 2/3% des recettes d’hydrocarbures doivent alimenter les caisses de retraite et la caisse allocation chômage annuellement, cette mesure ayant été prise en charge par le gouvernement.
Troisièmement, toutes les personnes ayant 32 années de travail plein peuvent aspirer à la retraite, sauf s’ils sont volontaires, et cas exceptionnel pour des personnes malades ou ayant subi un accident de travail.
Quatrièmement, pour les métiers pénibles, et les femmes, il y a lieu de prévoir des clauses de spécificités.
Cinquièmement, s’impose un nouveau modèle social loin de l’assistanat, permettant la levée des contraintes de la mise en œuvre des affaires avec les réformes des institutions pour moins de bureaucratie, une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, la réforme du système socio-éducatif, la réforme du système financier lieu de distribution de la rente et du foncier .
En résumé, la situation économique actuelle est complexe surtout avec les tensions géostratégiques actuelles, combinées aux effets de l’épidémie du coronavirus et du réchauffement qui modifieront tant les relations internationales que le pouvoir économique mondial imposant à l’Algérie des stratégies d’adaptation, n’existant pas de situations statiques. Surmonter l’actuelle crise politique et économique est un défi à la portée de l’Algérie afin d’éviter les tensions sociales, seule condition pour devenir un acteur clef de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine. Espérons que le dialogue, outil par excellence de la bonne gouvernance, l’emporte sur les passions, l’objectif stratégie privilégier les intérêts supérieurs de l’Algérie. [email protected]
DEUXIEME PARTIE
Le pouvoir d’achat des algériens face au processus inflationniste qui menace la sécurité nationale : la nécessaire cohésion sociale
Professeur des universités, expert international, docteur d’Etat en sciences économiques -1974- Abderrahmane MEBTOUL
La rentrée sociale pour bon nombre de ménages algériens sera difficile face au processus inflationniste qui menace la cohésion sociale. Analyser ce processus complexe implique, selon une vision dynamique, à la fois de le relier aux équilibres macroéconomiques et macro sociaux inséparables des mutations internes et mondiales, au niveau de production et à la répartition du revenu entre les différentes couches sociales. Pour le cas de l’Algérie, selon les données officielles, le taux d’inflation cumulé – l’indice n’a pas été réactualisé depuis 2011 – alors que le besoin est historiquement daté (nouveaux besoins) dépasse les 100% entre 2000 et août 2022 laminant le pouvoir d’achat et posant un problème de la sécurité nationale.
Car en ce mois d’août 2022 et cela a été le cas pour toute l’année 2021, le processus inflationniste a atteint un niveau intolérable : plus 100% pour les pièces détachées et les voitures, entre 50/100 % pour les produits scolaires, certains produits alimentaires, parallèlement à une pénurie de nombre de produits, donnant un taux d’inflation moyen en glissement annuel supérieur entre août 2021 et août 2022 supérieur à 10%. Nous ne devons pas nous réjouir donc d’un excédent de la balance commerciale qui provoquerait une paralysie de l’économie.
Outre les factures d’électricité et d’eau, du loyer, on peut se demander comment un ménage qui gagne entre 30 000 et 50 000 DA peut survivre, s’il vit seul, en dehors de la cellule familiale qui, par le passé, grâce au revenu familial, servait de tampon social ? Mais attention à la vision populiste : octroyer des salaires sans contrepartie productive entraînerait une dérive inflationniste, qui pénaliserait les couches les plus défavorisées, l’inflation jouant comme redistribution au profit des revenus spéculatifs ( voir notre interview Radio Algérie Internationale le 29/08/2022 sur les décisions du conseil des ministres en date du 28/08/2022).
1.-Le salaire des algériens face au processus inflationniste
L’étude du CEOWorld Magazine du mois d’aout 2022, a recensé les montants du salaire net mensuel moyen (après déduction d’impôts) perçu dans 105 pays, la comparaison des données aboutissant à l’établissement de la liste des pays qui offrent les salaires les plus hauts et celles des pays qui versent les salaires les plus bas.
Pour cette enquête, , le salaire moyen net en Algérie le s’élève en 2022 à 249,7 $/mois, soit 35 420 DA/mois (taux de change officiel, cotation du mardi 23 août 2022), données proche de celles de l’ONS. Sur les 105 pays de la liste, l’Algérie occupe la 98e place. Outre que le salaire moyen n’est pas significatif voilant les importantes disparités par couches sociales, cette enquête devrait tenir des importantes subventions octroyées en Algérie qui constituent un salaire indirect.
Au niveau mondial maintenant, les pays qui offrent les plus hauts salaires moyens nets sont : le Suisse (6142,1 $/mois), Singapour (4350,79 $/mois), l’Australie (4218,89 $/mois), les États-Unis (3721,64 $/mois) et les Émirats arabes unis. Dans le reste du top 10, on retrouve la Norvège, le Canada, le Danemark, l’Island et les Pays-Bas. Dans tous ses pays, le salaire moyen net dépasse les 3000 $.. Si on se penche sur le continent africain sur les 9 pays que concerne l’étude, l’Algérie arrive en 6e position étant devancée par l’Afrique du Sud (1362 $/mois), L’Île Maurice (483,31 $/mois), le Kenya (416,53 $/mois) et tunisiens (277,44 $/mois). Du côté du monde arabe, qui compte 14 pays, l’Algérie figure à l’avant-dernière place, devançant uniquement l’Égypte (209,7 $/mois). En tête du classement, on retrouve logiquement les pétromonarchies du Golf : les Émirats arabes unis (3663,27 $/mois), le Qatar (3168 $/mois), l’Arabie Saoudite (1888,68 $/mois), le Koweït (1854,5 $/mois) et le Bahreïn (1728,7 $/mois).Face à cette stagnation du salaire moyen ,quelles sont les six
six raisons qui alimentent le processus inflationniste ? La première raison est l’inflation importée où le taux d’inflation mondial de la zone entre 2021 et août 2022 euro a atteint un niveau record obligeant les banques centrales à relever leur taux d’intérêt La sécurité alimentaire mondiale étant posée, les prix des produits agricoles connaissent un niveau record et, selon la FAO, où le prix des oléagineux a plus que doublé (voir notre contribution www.google .com du 13 avril 2022, face à la crise et à l’inflation mondiale: repenser la politique économique et les mécanismes de régulation sociale). La Russie et l’Ukraine représentent 30% des exportations mondiales de blé et d’orge. L’Ukraine étant le 4ème exportateur mondial de maïs. Le 5ème en blé. Le 3ème en orge. Et elle détient des positions dominantes sur le marché mondial pour le tournesol, c’est-à-dire en huile, mais également en tourteaux. particulièrement, pour l’alimentation animale avec une flambée du prix du maïs. Ainsi, une très grave crise alimentaire se profile du fait des tensions en Ukraine où la rubrique biens alimentaires pour l’Algérie a été de plus de 8 milliards de de dollars entre 2020/2021 selon les statistiques douanières, pouvant aller en 2022, pour une importation de la même quantité physique entre 12/13 milliards de dollars sans compter les autres rubriques, épongeant les recettes d’hydrocarbures additionnelles d’hydrocarbures, ayant donc un impact sur la relance économique avec des incidences sociales. En effet, 85% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées – dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% – proviennent de l’extérieur.
La deuxième
raison est la faiblesse du taux de croissance interne, résultant de la faiblesse de la production et de la productivité, et les restrictions aux importations. L’Algérie, selon le rapport de l’OCDE, dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins d’impact en référence aux pays similaires, renvoyant à la mauvaise allocation des ressources. Selon le Premier ministère, l’assainissement des entreprises publiques a coûté au Trésor public environ 250 milliards de dollars ces trente dernières années, et plus de 90% d’entre elles sont revenues à la case de départ, outre 65 milliards de dollars de réévaluation, ces dix dernières années, faute de maîtrise de la gestion des projets.
Selon le rapport du FMI publié fin décembre 2021, les exportations ont atteint, en 2021, 37,1 milliards de dollars (32,6 pour les hydrocarbures et 4,5 hors hydrocarbures) dont près de 2,5 milliards de dollars de dérivés d’hydrocarbures en prenant les estimations du bilan de Sonatrach pour 2021 (recettes de 34,5 selon le P-DG de Sonatrach) comptabilisés dans la rubrique des 4 milliards de dollars hors hydrocarbures par le ministère du Commerce.
Quant aux importations, selon le FMI elles auraient atteint 46,3 milliards de dollars (la Banque mondiale ayant donné 50 milliards de dollars, provoquant d’ailleurs une polémique), 38,2 milliards de biens et une sortie de devises de 8,1 milliards de services contre 10 à 11 entre 2010 et 2019. L’Algérie, selon le FMI, fonctionne, entre budget de fonctionnement et d’équipement, à plus de 137 dollars en 2021 et à plus de 150 pour 2022, malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l’appareil de production avec des impacts inflationnistes, expliquant l’importance du déficit budgétaire de la loi de finances 2022 (plus de 30 milliards de dollars).
La troisième raison est la dépréciation officielle du dinar qui est passée en 1970, à 4,94 dinars un dollar, en 1980 à 5,03 dinars un dollar,, en 1995 à 47,68 dinars un dollar: -2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro :: -2019 :119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro ,la cotation le 29 août 2022 selon la banque d’Algérie ( cours achat) est de 140, 24 pour un dollar et 139,30, un dinar pour un euro et pour la LF 2022 :il est prévu , 149,71 dinars un dollar en 2022 et 156 dinars en 2023. avec une cotation sur le marché parallèle, malgré la fermeture des frontières dépassant les 209 DA pour un euro la vente au cours du 29/08/2022.
Cette dévaluation permet d’augmenter artificiellement la fiscalité des hydrocarbures (reconversion des exportations d’hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens , montant accentué par la taxe douanière s’appliquant à la valeur du dinar, supportée, en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.
L’effet d’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar a un effet négatif sur les sphères économique et sociale. Le taux d’intérêt des banques devrait être relevé de plusieurs points, s’ajustant aux taux d’inflation réelle, freinant à terme le taux d’investissement à valeur ajoutée si l’on veut éviter les recapitalisations répétées des banques via la rente des hydrocarbures. Pour lutter contre cette dépréciation , nous assistons à l’extensions de la sphère informelle, la déthésaurisation des ménages face à la détérioration de leur pouvoir d’achat, met des montants importants sur le marché, alimentant l’inflation, plaçant leur capital-argent dans l’immobilier, des biens durables à forte demande comme les pièces détachées facilement stockables, l’achat d’or ou de devises fortes.
La quatrième raison est liée au niveau des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar à plus de 70%. Si les réserves de changes sont de 10 milliards de dollars, la Banque d’Algérie sera obligée de dévaluer le dinar officiel à environ 200/250 DA pour un euro avec un cours sur le marché parallèle de près de 300 DA pour un euro. Selon le rapport du FMI à fin décembre 2021, les réserves de change se sont situées à 43,6 milliards de dollars en 2021 (11 mois d’importations) contre 48,2 milliards en 2020, , 194 fin 2013 et 114 milliards de dollars en 2016. Bien que les recettes en devises prévues seraient d’environ 50 milliards de dollars fin 2022, qu’en sera-t-il avec la hausse de la facture des importations, et si on relance tous les projets nécessitant d’importantes sorties de devises et si l’investissement étranger ne vient pas ? Car tout projet nouveau n’atteindra le seuil de rentabilité (pour les PMI/PME) que dans deux à trois ans à partir de son lancement, et 6 à 7 ans pour les projets hautement capitalistiques, dans ce cas nécessitant un partenariat étranger sur la base d’un partenariat gagnant – gagnant .
La cinquième raison est l’importance du marché informel, qui sert de soupape de sécurité sociale à court terme, mais entrave le développement à moyen terme, qui représente environ 50% de la superficie de l’économie. Les prix des produits non subventionnés, s’alignent sur le cours du dinar sur le marché parallèle, amplifient l’inflation et s’étendent en période de crise. Lorsqu’un État émet des lois ou des procédures de manière autoritaire, qui ne correspondent pas à la réalité du fonctionnement de la société, celle-ci émet ses propres règles, informelles, qui lui permettent de fonctionner beaucoup plus efficacement, car reposant sur un contrat de confiance. Selon la Banque d’Algérie, entre 2019 et 2020, la masse monétaire en dehors du circuit bancaire a atteint 6 140,7 milliards de dinars, soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019. Le président de la République a annoncé, en mars 2021, entre 6 000 et 10 000 milliards de dinars.
La sixième raison est la corruption à travers les surfacturations. Selon nos estimations, les entrées en devises entre 2000 et 2021 sont estimées autour de 1 100 milliards de dollars, avec des importations de biens et services pour plus de 1 050 milliards de dollars. Malgré ces dépenses en devises (sans compter les dépenses en dinars), la croissance a été dérisoire en moyenne annuelle : de 2 à 3% entre 2000 et 2019, alors qu’elle aurait dû dépasser 9/10%, à peine 3,3% pour 2021 après une croissance négative en 2020 de 4,9% .
C’est un taux faible largement inférieur à la pression démographique — plus de 45 millions d’habitants au 1er janvier 2022– où il faut pour réduire les tensions sociales, devant créer 350.000 à 400.000 emplois productifs par an qui s’ajoutent au taux de chômage selon le FMI en 2021 de 14,54 %. Au 14 juillet 2022, le nombre de bénéficiaires de demandeurs inscrits sur le site Minha Anem.Dz avoisine les 2,4 millions. parmi lesquels plus d’un million et demi de dossiers ont été acceptés. avec une population active de 12,5 millions cela donne un taux de chômage pour 2,5 millions des données provisoires de provisoire de 19,60%.
En plus du taux de chômage, durant cette rentrée sociale, l’on ne doit pas oublier l’important déficit des caisses de retraite et une grande fraction des retraités qui connaissent des difficultés pour subvenir à leurs besoins. Sur les 3,2 millions de retraités combien touchent-ils 20.000 dinars et moins par mois soit environ 150 euros/ mois au cours officiel et 100 euros au cours du marché parallèle ?
2.-Seule une amélioration de la gouvernance et une croissance élevée peut améliorer le pouvoir d’achat
Si par hypothèse, uniquement pour la partie devises, on avait amélioré la gestion pour 10% sans compter la dépense pour la partie dinars où existent des surfacturations, et si on avait réduit de 10% les surfacturations, l’Algérie aurait économisé environ 210 milliards de dollars en 2020/2021, environ quatre fois les réserves de changes actuelles. Cette mauvaise gestion et la corruption contribuent à amplifier le processus inflationniste.
Cependant à court terme, contrairement aux supputations de certains qui versent toujours dans l’alarmisme, sans analyses, ni propositions réalistes, il n’y aura pas d’implosion sociale durant cette rentrée sociale 2022. Mais attention, en cas du maintien de l’actuelle politique socio-économique, les tensions sont inévitables à horizon 2022/2025. Il suffit d’aller sur le terrain loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, pour constater qu’il existe un sentiment d’injustice sociale et de révolte latente surtout d’une jeunesse désespérée de son avenir.
Premièrement, l’Algérie n’est pas dans la situation de 1986, où les réserves de change étaient presque inexistantes Deuxièmement, vu la crise du logement, le regroupement de la cellule familiale concerne une grande fraction de la population et les charges sont payées grâce au revenu familial global. Mais il faut faire attention : résoudre la crise du logement sans relancer la machine économique prépare à terme l’explosion sociale.
Troisièmement, l’importance de la sphère informelle qui joue le rôle de sous pape social employant plus de 40% de la population active notamment dans le commerce, les services, certains segments de l’industrie, et l’agriculture. D’ailleurs nous assistons au phénomène égyptien ou bon nombre de fonctionnaires en retraite ou après les heures de travail s’adonnent à d’autres emplois notamment chauffeur de taxi dénotant la détérioration de leur pouvoir d’achat.
Quatrièmement, l’Etat, a généralisé les subventions où en 2021, le total des subventions directes et indirectes a atteint environ 5.131 milliards de DA, soit l’équivalent de 23% du PIB, les subventions généralisées s’élevant à 62% du total de ces subventions, soit près de 3.181 milliards DA (14% du PIB),processus reconduit dans la loi de finances 2022, les subventions aux produits de base représentant pour 2022 un total de 17 milliards de dollars.. Cela concerne les carburants, l’électricité, l’eau , les aides au logement, à l’emploi et les principaux produits de première nécessité.
En revanche, à terme il s’agira de cibler les subventions qui généralisées sont insoutenables pour le budget, ces subventions ayant permis aux ménages algériens de réaliser une épargne. Cependant, il suffit de visiter les endroits officiels de vente de bijoux pour voir qu’il y a « déthésaurisation » et que cette épargne est, malheureusement, en train d’être dépensée, des ménages sur le fil du rasoir pouvant tenir encore au maximum deux ans. A la fin de cette période tout peut arriver. Il existe deux scénarios pour l’Algérie.
Le premier scénario serait le statu quo, vivant de l’illusion de la rente éternelle des discours d’autosatisfaction, source de névrose collective, déconnectés des réalités tant locales que mondiales. Ce scénario préparera inévitablement à l’implosion sociale et une déstabilisation de l’Algérie ce qu’aucun patriote ne souhaite.
Le second scénario se base sur les conditions favorables de développement de l’Algérie où l’on aura préparé l’après-hydrocarbures par une nouvelle gouvernance fondée sur un langage de vérité. Car, nous pouvons investir autant de milliards de dollars dans les infrastructures ou dans les Mines, sans connaître de véritable développement, voire régresser, car s’annonce la quatrième révolution économique avec la transition énergétique et numérique qui enfantera un nouveau pouvoir mondial horizon 2030.
Ce scénario favorable permettra de mettre fin au gaspillage , de ces dépenses monétaires sans se préoccuper des impacts pour une paix sociale fictive, aura préparé un nouveau modèle de consommation énergétique reposant sur un Mix dont les énergies renouvelables, réhabilité l’entreprise publique et privée, loin de tout monopole, seule source de création de richesses permanente. Et l’on aura privilégier la qualité et non la quantité, évitant des universités à fabriquer des chômeurs, non imputable uniquement à l’enseignement supérieur qui hérite du fonctionnement de l’école du primaire en passant par le secondaire et la formation professionnelle.
La corruption, source d’une démobilisation générale, serait alors combattue par de véritables contrepoids démocratiques et non pas seulement par des organes techniques. Le développement reposera alors sur les piliers du développement du XXIe siècle, tels que la revalorisation du savoir, l’Etat de droit et une nouvelle gouvernance par une libéralisation maîtrisée grâce au rôle central de l’Etat régulateur et le dialogue productif par une réelle décentralisation impliquant la société, aura remplacé les décisions bureaucratiques.
En conclusion,, reconnaissons qu’avec la rentrée sociale 2022, la marge du gouvernement est étroite, cela n’étant pas propre à l’Algérie comme le montre le retour de l’inflation mondiale. On se trouve face à la résolution d’une équation complexe : soit augmenter les salaires via la planche à billets ( financement non conventionnel) la théorie néo keynésienne de relance de la demande globale à travers l’émission monétaire, résolvant un problème à court terme mais amplifiant la crise à moyen terme, étant inappropriée pour l’Algérie qui souffre de rigidités structurelles (léthargie de l’appareil de production) et se trouve en face d’une spirale inflationniste incontrôlable comme au Venezuela ., Ne pas augmenter les salaires, face à un processus inflationniste élevé et la détérioration du pouvoir d’achat , le risque est l’intensification des revendications sociales. La population face aux nombreux scandales financiers exige un sacrifice partagé.
La structure des sociétés modernes s’est bâtie d’abord sur des valeurs et une morale qui a permis la création de richesses permanentes, comme nous l’ont enseigné les grands penseurs dont le grand sociologue Ibn Khaldoun qui, dans son cycle des civilisations, montre clairement que lorsque l’immoralité atteint les dirigeants qui gouvernent la Cité c’est la décadence de toute société. Il s’agit de rétablir la confiance et la morale sans lesquelles aucun développement n’est possible.. C’est alors seulement que les algériens vivront leurs différences, accepteront le dialogue productif et auront envie de construire ensemble leur pays et d’y vivre dignement. Cependant, face aux tensions géostratégiques dans la région méditerranéenne et sahélienne et budgétaires au niveau interne, l’Algérie a d’importantes potentialités pour surmonter la crise actuelle.
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