A Sidi Salem, on rêve de la harga et de l’Europe

Que ce soit à Annaba, El-Kala, Ténès, Mostaganem, Oran ou Aïn Témouchent, il existe toujours des lieux où se rencontrent les candidats à l’émigration clandestine. Ces lieux sont souvent des cafés.
A Sidi Salem, localité dépendante de la commune d’El-Bouni, il existe un café, le seul parmi la douzaine où on ne parle que de harga et de préparatifs techniques. C’est dans ce café que l’on rencontre les passeurs et d’autres harraga, et où l’on ne parle que des prix de la harga, des conditions météorologiques et d’espoir commun. C’est le même espoir que nourrissent les candidats à l’émigration clandestine interrogés par le Jeune Indépendant.
Partir là-bas pour faire ou refaire sa vie, sortir de cette misère, de cet environnement de privations mais surtout du désespoir occupent les pensées. Ils s’accrochent avec l’énergie du désespoir à cette issue qui, en réalité, n’en est pas une car, souvent, elle finit mal. Cette traversée qu’ils payent au prix fort sur une embarcation fragile, cette clé de sésame supposée leur ouvrir les portes de l’Europe n’arrive presque jamais à bon port. Conditions météorologiques, arraisonnement par les garde-côtes ou arrestation au débarquement, rien de plus aventureux que ces tentatives.
Mais cela ne découragent point des jeunes et moins jeunes, toujours prêts à tenter l’impossible. « Je préfère tenter ma chance quitte à être pris ou à périr en mer que de voir ma vie se faner lentement sans espoir d’avenir, car ici, à Annaba, ou ailleurs à travers le pays, il n’y a plus d’avenir pour les jeunes. J’ai 25 ans, je n’ai pas eu mon bac et je suis chômeur depuis 7 ans. A ce jour, je n’ai jamais occupé de poste d’emploi. Les quelques emplois qui sont dégagés sont réservés à certains, à ceux qui ont du piston. Pour ceux comme moi, sans relations ou appuis, le choix se réduit à la harga. Soit les poissons nous bouffent, soit on parvient à bon port pour se faire une place de l’autre côté de la mer », a confié Amara de Sidi Salem au Jeune Indépendant.
Il a révélé que, bientôt, il partira avec quatre de ses amis. »Tout est prêt. Il ne reste plus qu’à choisir la date et cela dépend des conditions météorologiques et des horaires de passage des patrouilles des garde-côtes. Mais pour cette dernière condition, le passeur saura passer au travers. La barque est au complet, on a les provisions nécessaires pour une semaine, en plus, bien sûr, de la réserve de carburant indispensable. On est tous impatients de partir. Nos parents ne sont pas au courant. On les appellera une fois arrivés là-bas, en Italie », a-t-il ajouté. Sidi Salem, ce petit village de pêcheurs situé à quelque 5 km à l’est d’Annaba, n’est plus ce qu’il était. On n’y vit plus des produits de la pêche.
C’est une tout autre industrie qui s’est développée et qui est en passe de supplanter l’activité initiale. On devient passeur, on fait une traversée, on empoche ses 100 millions de centimes et on est tranquille. On vend ce rêve fou et on ne se soucie pas du tout du sort de ces jeunes à la recherche d’une autre vie. Sur ces milliers de migrants clandestins, rares sont ceux qui réussissent mais cela ne dissuade aucunement nos jeunes dont certains, arrêtés et reconduits sur la terre ferme, récidivent encore et encore.
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