A Douera: Passe-droits par des sans foi ni loi

Lorsque votre père ou proche est un commissaire de police, vous êtes au-dessus des lois. Vous agissez en toute impunité, imbu par la puissance du poste de votre protecteur, imperturbable par les réactions de ceux qui viennent dénoncer vos passe-droits. Il est de même lorsque votre protecteur est un procureur, un homme censé faire valoir la loi et défendre les biens communs.
Il s’agit de cas documentés et avérés. Au vu de l’exemple objet de cet article beaucoup diront qu’il s’agit de menu fretin comparés aux passe-droits qui se produisent à une plus large échelle. Mais le cas d’espèce est l’illustration de ces violations de lois que l’Etat ne cesse de combattre.
C’est ce qui s’est produit à la cité des 340 logements à Douera, au Sud-Ouest d’Alger, devenue depuis peu l’une des communes les plus peuplées d’Algérie.
Des propriétaires de locaux commerciaux dans cette cité de type promotionnel construite par l’EPLF de Kolea en l’an 2 000 ne sont pas contentés du bien qui leur a été vendu. Non. Ce n’était pas suffisant. Ils se sont évertués ainsi à prendre du terrain, à construire des extensions sur l’espace commun de la cité, interdisant des accès de ces espaces aux habitants en érigeant le vol en droit et la violation des lois en fait accompli au grand dam des propriétaires et de la législation sur l’urbanisme. La majorité des propriétaires des locaux n’habitent pas la cité.
Depuis, la cité est désormais défigurée rassemblant à un nouveau type de bidonvilles que les autorités ont éradiqué tant ils donnaient une image humiliante de l‘Algérie. Le Wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, en avait fait de la lutte contre les extensions illégales et les atteintes à l’urbanisme son cheval de bataille.
Le crime commencera dans bâtiment 19 de la cité lorsque la fille d’un commissaire de police exerçant avant sa retraite à Birkhadem, a dévoré tout un espace du trottoir pour élargir son local pour le transformer en logement qu’elle a mis en location. « Nos contestations se sont heurtées à son refus, ses absences et parfois au dezzou maâhoum », affirma Hamid un habitant du bâtiment pour décrire l’attitude méprisante de la prétendument fille du commissaire.
Une extension au batiment 19 et une « protection derrière »
A la question de savoir si son père était vraiment au courant de ses agissements, Cherif un autre habitant du bâtiment rétorqua : « Il est impossible qu’il ne sache pas. Il est venu plusieurs fois et pas plus tard que la semaine dernière.
Il savait et a laissé sa fille enfreindre la loi ».
C’est pourquoi d’autres ont pris les mêmes initiatives pour s’accaparer des espaces communs. Apprenant que la fille d’un commissaire a violé la loi, d’autres ont aussi enfreint la loi. Ils se sont sentis intouchables. L’un deux, propriétaire d’un local au bâtiment 21, a construit une extension sauvage sous la fenêtre d’un commandant de l’ANP (voir photo 2).
Pourtant ce commandant avait saisi, lettre à l’appui, l’EPLF et s’est adressé à la gendarmerie en 2014. « Aucune suite à ce jour » a fait savoir cet officier. « Un officier de l’ANP pourtant ayant tous les droits n’est rien devant un hors la loi qui prétend bénéficier de la protection d’un procureur de Kolea », lança Omar son voisin de palier. « Un commissaire ou procureur est plus puissant que le wali d’Alger voire du chef de l’Etat sinon comment ont-ils osé cautionner ce genre de dérapages impardonnables », dira-t-il avec amertume.
Interrogé par nos soins, le propriétaire du local répondra qu’il avait décidé de construire l’extension parce qu’on a tenté de lui « casser » la porte de son local. « Si chaque propriétaire de local s’amuse à construire une extension sauvage sur l’espace commun parce qu’on a tenté de casser sa porte, les villes algériennes ressembleraient à des gourbis géants », lui dira l’officier .
Au batiment 21, l’extension protégée par un procureur ?
Au bâtiment 22, un locataire d’un local a carrément détourné tout l’espace commun, installant des barrières pour interdire à quiconque l’accès ou le passage (voir photo 3).
Un autre a construit au bâtiment 18 une extension pour s’en servir comme « cabinet de roqqia ».
« Il se sert de la religion pour soi-disant guérir ou soulager mais ne s’est pas servi de la religion pour observer les règles du bon voisinage, de l’interdiction de violer l’espace commun », lança à son tour Boubekeur, un habitant du bâtiment.
Pourtant de nombreuses lettres contestant ce fait accompli ont été adressées ou remises aux services de l’APC de Douera, au wali délégué, avec copies au commissariat de police de la commune et à la brigade de la gendarmerie lorsque l’EPLF (devenue ENPI : Entreprise nationale de promotion immobilière) se montrait impuissante sinon laxiste face au cas d’espèce.
Tous les maires qui se sont succédé à la tête de l’APC de Douera ont été tenus au courant du cas de la cité des 340 logements, mais préféré zappé le dossier.
Or, il y a deux semaines des équipes de l’urbanisme de l’APC accompagnés d’une commission d’élus et les forces de l’ordre se sont présentés à la cité pour remettre les choses dans l’ordre et démolir les extensions illégales. L’équipe ne s’est prise à ce jour qu’à quelques devantures alors qu’elle avait expliqué aux habitants de la cité qu’elle avait reçu l’ordre du Wali d’Alger Abdelkader Zoukh de démolir toutes les extensions illégales.
Toutefois, l’équipe de l’APC s’est depuis éclipsée alors qu’elle avait rassuré les habitants de la cité qu’elle allait poursuivre l’opération.
Et des lors, les spéculations et les rumeurs vont bon train. Mis au courant de l’opération, le commissaire aurait fait sa réapparition et certains auraient entendu sa fille proférait d’un air menaçant à l’endroit des agents de l’APC : « Rien ne sera démoli. Mon père vous fera plier ».
D’autres, n’hésitent pas à évoquer des complicités au sein de la police de la commune au nom de l’esprit de corps. On fait état des volte-face du P/APC devenu subitement injoignable ces jours-ci, tandis que d’autres n’excluent pas des pressions subies par les agents chargés d’exécuter l’ordre du wali.
Comme si la loi devait s’arrêter aux portes de cette cité aux allures sauvages…et révoltantes.
L’espace commun détourné au batiment 22
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