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Nationale

50 ans après la fin de la dictature en Espagne: Une halte mémorielle et des interrogations

50 ans après la fin de la dictature en Espagne:  Une halte mémorielle et des interrogations
Une pause mémorielle d'actualité

L’Espagne fait toujours face à son histoire même la plus sombre, quelque soit le bord où l’on se trouve. À l’Institut Cervantes d’Alger, une table ronde organisée lundi en fin de journée avec la collaboration de l’ambassade d’Espagne, a passé en revue les séquences douloureuses des luttes pour les libertés démocratiques, la condition féminines  sous la dictature militaire de Francisco Franco (1936-1975) dit « El Caudillo »  et la transition vers un modèle de société qui fait toujours l’objet de polémiques .

La montée de l’extrême droite ravive les inquiétudes quant à un retour des postulats ayant nourri le franquisme au sein de la société espagnole.

Sous le thème : « Espagne, 50 ans de liberté. Mémoire, exil et diplomatie », a été animée par M. Luis García Montero, poète et directeur de l’Institut Cervantes, José Ignacio Madrazo Bolívar, ambassadeur du Mexique en Algérie et descendant d’exilés républicains espagnols, ainsi que Mohamed Khelladi, moudjahid et ancien ambassadeur d’Algérie en Espagne entre 1970 et 1977. La rencontre a été modérée par S.E. M. Fernando Morán, ambassadeur d’Espagne en Algérie.

M. Luis García Montero a évoqué sa jeunesse et ses années d’études, et le combat pour remettre en cause l’ordre établi par le régime militaire du Caudillo. Il a particulièrement souligné la condition de la femme sous Franco : sa mère, diplômée en philosophie, s’était vue confinée au rôle de mère au foyer, conformément aux valeurs chrétiennes et conservatrices imposées par le régime.

Selon Montero, « la femme en tant que citoyenne à part entière n’existait pas sous Franco  et ne pouvait s’épanouir ou s’affirmer en tant qu’individu ». Il a également lu un poème consacré à sa mère et rappelé les nombreuses querelles et mésententes qui ont jalonné leur relation, en raison du fait que sa mère n’avait pas pu s’épanouir pleinement en tant qu’individu instruit.

Durant cette pause mémorielle, il a ensuite abordé la transition démocratique en Espagne à partir de 1976-1977 et l’évolution sociale et politique qu’a connue le pays depuis la mort de Franco, une évolution qu’il souhaite pérenne, rappelant au demeurant les sacrifices consentis par de pans entiers de la société espagnole dont le combat porté par les républicains.

L’ambassadeur du Mexique a quant à lui évoqué les milliers de refugiés espagnols ayant fui la répression franquiste pour s’installer au Mexique, certains, a-t-il souligné, se sont refugiés en Algérie ou ont transité par l’Algérie pour s’installer dans d’autres pays.

Selon lui, beaucoup de ses refugiés espagnols ont aidé le Mexique à se développer tant beaucoup étaient des enseignants, des gens de métiers et d’expertise

De son côté, Mohamed Khelladi a apporté son témoignage en tant que représentant de l’État algérien, évoquant notamment ses rencontres avec Franco et d’autres responsables espagnols. Il a également rappelé le contexte de l’occupation du Sahara occidental, soulignant que l’Espagne avait transféré sa responsabilité sur ce territoire en 1975-1976 via un accord tripartite avec la Mauritanie et le Maroc.

Les interventions lors du débat de cette  rencontre à laquelle ont participé des personnalités européennes et algériennes à l’image de l’ambassadeur de l’Union européenne à Alger, Diego Mellado, ont été axées sur la transition démocratique en Espagne et les risques potentiels d’un retour du franquisme au milieu de la montée de l’extrême droite en Europe.

Ce débat s’est décliné notamment dans le contexte de la mémoire de Franco, qui a suscité d’énormes controverses depuis le déplacement de sa sépulture située dans la Valle de los Caídos (Vallée des Morts) en 2019. Le gouvernement de Pedro Sánchez avait décidé de transférer ses restes vers un cimetière public, décision qui continue de susciter des remous chez les nostalgiques du franquisme.

Les intervenants ont souligné que ce risque ne se limite pas à une reprise directe du franquisme en tant que régime, mais pourrait se manifester à travers la montée de l’extrême droite en Espagne et en Europe, créant un potentiel clivage au sein de la société espagnole et un retour des postulats défendus par ce courant qui a dirigé le royaume pendant 45 ans

Interrogé sur les éventuels manquements de la classe politique espagnole dans la prise en charge des conséquences du franquisme, Luis García Montero a pointé plusieurs aspects : La loi d’amnistie de 1977, qui a effacé tous les crimes commis à la fois par les franquistes et par les républicains. L’existence de fosses communes et de tombes de victimes du régime, qui restent un sujet sensible, avec un travail de mémoire et de réconciliation encore largement inachevé.

Selon Montero, il est difficile de réconcilier les Espagnols entre eux, car victimes et bourreaux restent profondément séparés sur le plan idéologique. Il estime que la loi d’amnistie a permis de tourner la page légalement, mais n’a pas résolu les fractures sociales et mémorielles laissées par la dictature.



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