32 ans de l’acte dit républicain : Le 11 janvier 1992 ou l’ombre de Nezzar   – Le Jeune Indépendant
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32 ans de l’acte dit républicain : Le 11 janvier 1992 ou l’ombre de Nezzar  

32 ans de l’acte dit républicain : Le 11 janvier 1992 ou l’ombre de Nezzar  

Lorsque des chercheurs en grand nombre reviendront sur la journée du 11 janvier 1992 pour la remettre en perspective et en étudier les tenants et aboutissants, le temps aura fait son œuvre et les matériaux bibliographiques seront accumulés.

Le moment venu, les conditions scientifiques auront été réunies pour élaborer cet épisode. Le temps des historiens aura alors sonné, poussé en cela par le recul du temps et par l’accumulation du savoir académique sur cette tranche.

A l’image du maître de conférence en science politique, la jeune Myriam Aït-Aoudia, auteur de « L’expérience démocratique en Algérie (1988-1992) » (Paris, Presses de Sciences Po, 2015), des chercheurs s’y sont essayés. A coup de thèses et de manuels, ils ont revisité l’aube des années quatre-vingt-dix en amont et en aval de la journée du 11 janvier 1992.

Idem pour des journalistes qui ont vécu cette période à l’épreuve de la couverture médiatique pour en restituer les faits les plus importants dans des essais. Avant d’être emporté par la maladie, le journaliste Amer Ouali a trouvé le temps pour exploiter ses archives et mettre à contribution sa mémoire et créditer les librairies d’un livre utile : « Le coup d’éclat en Algérie. De la naissance du FIS aux législatives avortées de 1991 » (Paris, éditions Erick Bonnier, 2023). 

De surcroît, une moisson d’articles de presse nourrit le fichier ‘’ressources’’ sur le sujet. Mais, dans le registre académique  histoire et science politique, les auteurs qui y ont travaillé restent peu nombreux au regard des questions et problématiques posées par le chercheur. Au jour d’aujourd’hui, le volume de la bibliographie en la matière n’est pas encore à la mesure de l’importance et des enjeux de cette période. Au miroir de l’histoire post-guerre de libération et de la chronologie institutionnelle de l’Algérie, janvier 1992 résonne, en effet, comme une période cruciale de l’histoire contemporaine algérienne.

Comme pour la crise de l’été 1962, le coup d’Etat ou ‘’redressement révolutionnaire’’ du 19 juin 1965, les évènements d’octobre 1988 et leurs effets collatéraux au double plan politique et institutionnel, la journée du 11 janvier 1992 tournant majeur dans la crise politico-sécuritaire de la période qui va de juin 1991 à l’interruption du processus électoral de l’hiver 1991  a pesé sur l’évolution historique, politique et sécuritaire du pays sur le temps long. D’où l’impératif de la soumettre  et plus que jamais à l’examen froid et rigoureux des historiens, politologues et autres chercheurs académiques. En attendant que d’autres chercheurs, au nombre toujours grandissant, s’emparent de ce corpus bien précis de l’histoire de l’après-guerre de libération, des mémoires d’acteurs meublent d’ores et déjà les rayons des librairies et les fonds des bibliothèques et centres de documentation.

Ces mémoires  des témoignages d’acteurs au cœur de l’événement  ne dépassent pas les doigts d’une seule main. Ministre des Droits de l’homme dans le gouvernement de Sid-Ahmed Ghozali (juin 1991-Juillet 1992), membre du Haut Comité d’Etat (janvier 1992-janvier 1994), Ali Haroun a fait œuvre de témoignage dans deux livres. Le premier – « L’éclaircie. Promotion des droits de l’homme et inquiétude (1991-1992) » (Casbah éditions, 2011) – restitue climat d’avant janvier 1992. Le second – « Le rempart. La suspension des élections législatives de janvier 1992 face à la terreur djihadiste » (Casbah Éditions, 2014) – est plus au cœur de la journée du 11 janvier 1992, date de l’interruption du processus électoral. 

‘’En décembre 1991, résume Ali Haroun pour les besoins de la quatrième de couverture, la chute de l’Algérie dans l’inconnu était imminente (…) Si, au cours de son histoire, le pays fut parfois ébranlé par des visionnaires illuminés adeptes d’un fondamentalisme rétrograde, il ne semble pas avoir vécu des périodes de violence aussi barbare que celle de la décennie noire. Dans l’urgence, dit-il allusion au 11 janvier 1992, on fut alors contraint d’édifier la digue indispensable pour contenir la furie de la violence intégriste. En effet, la protection d’un État républicain conforme aux aspirations des pères fondateurs de l’Algérie libérée, nécessitait de dresser un barrage de protection contre l’accès au pouvoir de ceux dont la décennie rouge allait dévoiler l’horreur’’.

Avant de publier ces deux livres, Ali Haroun s’est saisi de sa plume pour préfacer « Algérie, échec à une régression programmée » (Paris, Publisud 2001), le premier livre du général Khaled Nezzar sur cette période. Nommé ministre de la Défense en juillet 1990 dans le remaniement qui a touché le gouvernement de Mouloud Hamrouche, Khaled Nezzar est, à ce jour, le seul homme du haut commandement militaire et du gouvernement à avoir été intarissable sur le sujet. Sur les sept livres qu’il a écrits (en collaboration avec Mohamed Maarfia), deux reviennent sur l’enchaînement des évènements qui déboucheront sur le 11 janvier 1992. Qu’il s’agisse du livre préfacé par Ali Haroun ou le tome II du « Recueil des Mémoires du général Khaled Nezzar », tome qui porte sur ‘’La séquence politique’’, l’ancien chef d’état-major apporte une somme de témoignages – souvent très circonstanciés – l’évolution politique et sécuritaire du pays en amont et en aval du 11 janvier 1992. 

Des mémoires rares mais précieux

Comme s’ils sont à l’évidence sans portée historienne et académique ils n’ont pas cette prétention – les écrits du principal chef de l’ANP au moment des faits ne sont dénués de mérite. Parce qu’il s’agit d’un décideur dont les responsabilités et les choix ont pesé à l’époque, ses témoignages méritent que le simple lecteur et, surtout, l’historien et le chercheur s’y attardent. L’historienne Saphia Arezki s’y est déjà attardée à l’heure de préparer sa thèse de doctorat intitulée « De l’ALN à l’ANP.

La construction de l’armée algérienne 1954-1991 » (publiée chez Barzakh). L’historienne pointe dans son travail quelques jalons annonciateurs de janvier 1991 et le rôle de Khaled Nezzar. Aussi bien dans le livre préfacé par Ali Haroun que le tome II de ses Mémoires, l’ancien membre du HCE apporte, selon un de ses éditeurs, un ‘’témoignage inédit sur les circonstances’’ qui ont amené ‘’à contrecarrer un processus pernicieux qui allait basculer le pays dans les ténèbres’’. 

A l’appui d’une chronologie des événements, d’un rappel de rencontres avec des responsables de tous bords – gouvernement, présidence de la République, officiers de l’ANP et personnalités nationales et figures de l’opposition –, l’ex ministre de la Défense ‘’prend soin de remonter dans le temps pour dévoiler la déliquescence d’un pouvoir et sa connivence, avec une mouvance extrémiste exploitant sans vergogne la religion en recourant à la violence, afin d’instaurer un régime totalitaire d’un autre âge’’. Ce n’est pas lui qui le dit textuellement, mais la quatrième de couverture du livre préfacé par Ali Haroun.  

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